Invasion des Vandales (429-533)

Le règne du troisième Valentinien, qui succéda à Honorius en 424, fut marqué en Afrique par un grand désastre : l'invasion des Vandales. Le comte Boniface, gouverneur de l'Afrique, irrité de voir la mère de l'empereur accueillir les calomnies que propageait contre lui Aétius, son rival de gloire et de fortune, menacé par les forces imposantes envoyées pour le réduire, appela les Vandales à son secours, et offrit à leur chef de partager avec eux la moitié des provinces que Rome lui avait confiées. Genséric, roi des Vandales, établi en Espagne dans l'Andalousie, s'embarqua pour l'Afrique au mois de mai de l'année 429. L'armée d'invasion se composait de cinquante mille hommes, Vandales, Alains et Goths; les vieillards, les femmes, les enfants et les esclaves pouvaient porter ce nombre à quatre-vingt mille. Mais à peine débarqués une multitude d'auxiliaires vinrent se joindre à eux.
Les Maures habitant les régions qui bordent le grand désert et l'océan Atlantique, accoururent les premiers ; puis ce furent les Donatistes, qui étaient en butte aux plus dures persécutions ; enfin les Romains eux-mêmes, que l'impitoyable fiscalité de l'administration impériale avait ruinés et qui espéraient d'un changement une amélioration à leurs souffrances.

Siège d'Hippone

Dès leur entrée en Afrique, les Vandales portèrent dans toutes les contrées qu'ils traversèrent le fer et la flamme. Les riches et populeux établissements fondés sur le littoral par les Carthaginois ou par les Romains furent détruits de fond en comble. Les Maures et les Donatistes se montrèrent aussi animés que l'armée de Genséric à cette œuvre de dévastation. Les trois Mauritanies furent ainsi complètement ravagées, et l'invasion sembla s'arrêter un instant à la limite du fleuve Ampsaga (Oued-el-Kebir), où finissait le territoire cédé par Boniface.

Mais bientôt les Vandales pénétrèrent dans la Numidie. Le général romain, réconcilié avec la mère de l'empereur, se repentit trop tard d'avoir appelé d'aussi dangereux auxiliaires ; en vain il voulut négocier pour les arrêter ; il essaya, à l'aide de grandes promesses, de les renvoyer en Espagne. Il se décida alors à recourir à la force ; il réunit toutes les troupes dont il pouvait disposer, et leur livra bataille non loin de l'Ampsaga ; mais il fut vaincu, et courut s'enfermer dans Hippone. Genséric arriva sous les murs de la place dans l'été de l'année 430. Le siège dura quatorze mois. Saint Augustin se trouvait dans la ville ; il avait prévu les malheurs que devait entraîner l'invasion des barbares ; il prodigua les encouragements et les consolations aux habitants et à Boniface ; il mourut peu de mois après l'ouverture des opérations.
Hippone capitula au mois d'août 431. A la suite de ces succès, il y eut un traité entre les vainqueurs et les vaincus, qui assura à Genséric tout le pays depuis les colonnes d'Hercule jusqu'aux murs d'Hippone et de Cirta.

Genséric organise ses conquêtes

Genséric profita de la paix pour établir solidement sa puissance dans le territoire qu'il occupait ; il chercha à se concilier les Maures, favorisa les Donatistes, et tenta de réunir les nombreuses sectes qui divisaient l'Église d'Afrique dans le sein de l'Arianisme.
Enfin, quand il se crut assez fort, il s'empara de Carthage par surprise et en pleine paix (439). A cette conquête succéda immédiatement l'occupation de toute l'Afrique proconsulaire et de la Byzacène. Le premier soin de Genséric fut de procéder au partage des terres, dans les mêmes formes qui résidaient chez presque tous les peuples du Nord à l'époque de leur grande invasion. Les anciens habitants ne furent dépouillés ni de la liberté ni de leurs propriétés ; l'organisation administrative, qui datait de Constantin, fut conservée ; les impôts restèrent les mêmes. Les habitudes militaires de la nation se prêtant mal à l'attaque et à la défense des places, les fortifications des villes furent détruites. Genséric consacra une portion de sa vie à la création d'une marine puissante.

La Corse conquise lui fournit des bois de construction ; les côtes d'Afrique lui donnèrent des marins. Il s'élança de Carthage en Sicile, en Sardaigne et dans les Baléares ; puis, dévastant les côtes de l'Italie et de la Grèce, il conduisit les Vandales et les Maures jusqu'à Rome, qui fut livrée au pillage pendant quatorze jours et quatorze nuits (du 15 au 29 juin 455).

Expédition contre les vandales ; mort de Genséric

Pour Venger le nom romain de tant d'outrages et reconquérir la liberté des mers, l'empereur d'Occident et celui d'Orient tentèrent des expéditions impuissantes contre les Vandales. Cependant un suprême effort fut dirigé par Basilicus, beau-frère de l'empereur Léonce. En 470 une flotte formidable débarqua au cap Bon, à quarante milles de Carthage, une armée de plus de cent mille hommes. Les Vandales furent d'abord vaincus sur terre et sur mer ; mais Genséric ayant obtenu une trêve de cinq jours, prit des dispositions énergiques, lança pendant la nuit des brûlots au milieu des navires impériaux, les attaqua avec vigueur et les mit en fuite. Basilicus retourna à Constantinople, après avoir perdu la moitié de sa flotte et de son armée. Un traité conclu en 476 sanctionna d'une manière définitive toutes les conquêtes des Vandales en Afrique et dans la Méditerranée. Genséric mourut peu de temps après ce traité (à Carthage, ndlr), en 477. Ce chef était d'une taille moyenne, et il boitait, par suite d'une chute de cheval. Il méditait beaucoup, parlait peu, et ne s'abandonnait point aux plaisirs. Les mœurs corrompues des cités romaines furent violemment réformées par le rigide conquérant. Il se montra habile et prévoyant dans ses alliances avec les différents peuples. A l'intérieur, il sut comprimer ou faire tourner à son profit les passions religieuses les haines nationales et jusqu'aux conjurations des siens contre lui-même. Les tribus indigènes, toujours prêtes à déborder du désert ou des montagnes, sur le territoire des villes, servirent à sa grandeur dans ses armées et dans ses flottes.

Successeurs de Genséric ; décadence des Vandales

En léguant à ses successeurs son vaste empire, Genséric ne leur légua pas ce génie politique et militaire qui avait su le fonder. Pour jouir plus complètement de la paix, les Vandales renoncèrent à leurs courses maritimes. Ils se jetèrent avec une espèce d'ivresse dans les plaisirs et dans les débauches qui avaient affaibli les Romains d'Afrique, qu'ils méprisaient et qu'ils avaient dépossédés. Les vertus guerrières s'éteignirent dans le luxe et dans la mollesse. A leur fanatisme ignorant, mais audacieux, se substitua l'amour des subtilités théologiques et des querelles religieuses. Les forces de la nation déclinèrent rapidement sous les quatre successeurs de Genséric : Hunéric, Gunthamond, Thrasamond et Hildéric. Les tribus nomades, dont l'activité n'était plus entretenue par des entreprises de guerre, comme sous Genséric, tournèrent leur turbulence contre les Vandales. Les séditions, commencées d'abord dans les parties de l'Occident les plus éloignées, se rapprochèrent progressivement de la Proconsulaire et de la Byzacène. Les monts Aurès devinrent le foyer de luttes, incessantes, dans lesquelles les indigènes avaient, souvent avantage. Fidèles d'ailleurs aux traditions nationales, ils ne combattaient jamais en plaine et ne livraient pas de combats à des armées ; ils pillaient et ravageaient le pays, se retiraient dans les montagnes ou dans le désert, lorsqu'on envoyait des troupes contre eux. Dans les dernières années de la domination vandale ils poussèrent leurs incursions jusqu'à Adrumète (Sousa).

Hildéric, le dernier roi vandale, avait été élevé à Constantinople, et était l'ami de Justinien. Dès son avènement il voulut mettre fin aux persécutions dont les catholiques étaient l'objet.
Ses généreuses intentions lui aliénèrent les Vandales, presque tous attachés à l'hérésie d'Arius. Un de ses généraux, Gélimer, illustré par des succès momentanés obtenus contre les nomades, profitant des sentiments de répulsion qu'inspirait Hildéric, le renversa du trône, et usurpa l'autorité souveraine en 531. Justinien saisit cette occasion pour réaliser les projets qu'il nourrissait depuis longtemps au sujet de la conquête de l'Afrique. Il se déclara le protecteur des intérêts d'Hildéric, et prépara une expédition contre Gélimer.

Conquête de l'Afrique par Bélisaire

Le commandement des troupes fut confié à Bélisaire, déjà célèbre par la part glorieuse qu'il avait prise aux guerres d'Asie. L'armée était de quinze mille hommes, dont dix mille fantassins et cinq mille cavaliers. Elle se composait d'Égyptiens, de Ciliciens, de soldats de toutes les parties de l'Asie Mineure et de la Grèce, d'un corps de quatre cents Hérules, barbares aussi cruels que braves, et de six cents cavaliers Huns. Une flotte de cinq cents vaisseaux, montés par vingt mille matelots, débarqua cette armée à Caput Vada, sur les confins de là Byzacène et de la Tripolitaine. La retraite par la Cyrénaïque et par l'Égypte se trouvait ainsi assurée, en cas de revers. Les troupes impériales étaient aguerries et pleines de confiance dans leur général ; la discipline la plus sévère fut maintenue parmi elles ; elles payaient tous les objets nécessaires à leur consommation. Les habitants, frappés de la douceur du général et de la modération si nouvelle et si inattendue de l'armée, ne songèrent pas à résister. Aussi les succès de Bélisaire furent-ils rapides. Carthage désarmée ouvrit ses portes; l'occupation s'en fit en bon ordre, comme celle de toutes les villes qu'on avait traversées. Gélimer, battu deux fois, perdit son camp, qui était rempli d'immenses dépouilles, et s'enfuit précipitamment dans la Numidie, où il se réfugia chez les tribus sauvages des monts Pappua (Édough), au mois de décembre de l'année 533. La victoire de Bélisaire décida de la perte définitive de l'Afrique pour les Vandales. Leur domination n'avait été régulièrement établie que dans les provinces orientales, et la prise de Carthage marqua la fin de leur empire. Bientôt Gélimer fut bloqué dans un des villages des monts Pappua, où il menait la vie la plus misérable ; abattu par la misère, brisé par la douleur, le roi vandale fut enfin forcé de se rendre. Avant de quitter l'Afrique pour amener son prisonnier à Constantinople, Bélisaire se hâta de prendre les mesures qui devaient compléter et consolider sa conquête. Il fit occuper la Sardaigne, la Corse et les îles Baléares, qui avaient appartenu aux Vandales. Il s'empara en Afrique de Césarée, ville alors vaste, bien peuplée et faisant par mer un grand commerce ; il s'étendit jusqu'à Ceuta. Il rendit à Venise catholique la juridiction, les richesses et les privilèges que l'hérésie arienne avait retenus si longtemps. Enfin, au printemps de l'année 534, le vainqueur des Vandales reçut à Constantinople les honneurs du triomphe.
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Mis en ligne le 29 mai 2012

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