Les Pieds-Noirs
1962 L'EXODE
Les Pieds-Noirs
Entrée  - Introduction  -   Périodes-raisons  -   Qui étaient-ils?  -   Les composantes  - Les conditions - L'attente  -   Le départ  -  L'accueil  -  Et après ? - Les accords d'Evian - L'indemnisation - Girouettes
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PERIODES-RAISONS

" la vie ne peut surgir que du cadavre décomposé d'un colon ".
Frantz Fanon, " Les Damnés de la terre ", 1961.

" il faut tuer : abattre un Européen c'est faire d'une pierre deux coups,c'est supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé. Restent un homme mort et un homme libre ".
Jean Paul Sartre - Préface " Les Damnés de la terre ".

Les éléments qui occasionnèrent cette débandade furent multiples. Même s'il est bien commode pour certains milieux, d'en attribuer la responsabilité unique à l'OAS, il apparait que la situation réelle n'était malheureusement pas aussi simple. Si déjà l'année 1961 donna lieu à quelques départs, c'est principalement l'année 1962 après le 18 mars (jour de la signature des accords d'Evian applicables le 19 mars), le 26 mars (tuerie de la rue d'Isly à Alger), le 20 avril (jour de l'arrestation du général Salan) et surtout lors du massacre du 5 juillet à Oran que l'intensité des embarquements fut portée à son maximum. Une véritable hémorragie, une fuite éperdue que l'insécurité porta à son paroxysme. Les accords d'Evian, ne garantirent jamais le salut des européens et des musulmans favorables à la France. Les autorités françaises respectèrent unilatéralement et avec un zèle peu commun, ce chiffon de papier rédigé à la hâte, pour se débarrasser du "caillou dans la godasse", de la "boite à chagrin".

Restait une population désarmée et indésirable. Laissée pour compte d'une histoire de France bien trop riche en forfaitures et en renoncements, qui ne voulut pas s'encombrer d'une " boite à chagrin " et de citoyens de " seconde zone ". En Algérie, les émeutes contre des civils, qui ont souvent tourné au carnage, comme le 5 juillet 1962 à Oran (2000 victimes civiles européennes et musulmanes, dont plus de 800 disparus), après l'indépendance, en présence de l'armée française passive, accentuèrent la réalité du sentiment d'abandon. Il fallait donc fuir pour survivre.

Pour ceux qui ont une mémoire défaillante, environ 60 000 à 100 000 Harkis (musulmans fidèles à la France) et 15 000 européens furent massacrés après le 19 mars 1962 (date de la "fin de la guerre d'Algérie"). Cette macabre comptabilité ne tient pas compte des milliers de disparus (3000 environ pour les seuls européens) que le pays des droits de l'homme mit une inertie peu commune pour leur recherche (diplomatie oblige), et conclut par une fin de non recevoir. Ainsi s'accomplit le funeste slogan du FLN :

"LA VALISE OU LE CERCUEIL"

Le Centre des Archives de Nantes (CADN) possède dans la cote " Alger " (consulat), série B (enlèvement des Français, 1962-1970), 15 cartons dont le versement s'est fait à Nantes en février 1991. Nous ne savons pas encore si ces cartons seront ouverts aux chercheurs et nous n'en : connaissons donc pas la teneur... (Guerre d'Algérie magazine, juillet / Aout 2002)

Il fallait être un naif inconscient ou un monstre sans nom, en ayant connu les débordements de l’épuration en France, avec tout ce qu’elle à comporté de règlements de comptes, d’executions sommaires, de résistants de la dernière heure, pour penser que l’abandon pur et simple de civils désarmés à des algériens survoltés, allait se passer sans encombre. C’est toutefois, la version qui persiste encore aujourd’hui et plus que jamais “ la paix était revenue en Algérie ”.

30 août 1959

"MOI VIVANT, JAMAIS LE DRAPEAU VERT ET BLANC DU FLN NE FOTTERA SUR ALGER !"
Charles de Gaulle Homme politique Français mort en 1970

Résumé des accords d'EVIAN. Tract distribué à l'initiative de Christian Fouchet (Délégué général du gouvernement en Algérie), à quelques jours de l'indépendance, pour inciter les Européens à rester.

" La France ne peut pas abandonner l'Algérie. la France ne doit pas l'abandonner et ne l'abandonnera pas. " Michel Debré

M Jean de BROGLIE, négociateur des accords d'Evian, secrétaire d'état aux affaires algériennes, annonça à la tribune de l'assemblée nationale le chiffre "officiel" de 3080 personnes disparues après le 19 mars 1962. Le quotidien " l'Aurore " avança le chiffre de 6080 personnes. Ces chiffres, qui peuvent paraitre pour certains relativistes orientés, dérisoires, correspondraient à respectivement 184 800 et 364 800 personnes pour une population équivalente à celle de la France. Ces disparus n'ont à ce jour, jamais été retrouvés, et souvent jamais recherchés (diplomatie oblige).

En 1969 M Maurice Schumann, ministre des affaires étrangères, dans une conférence de presse à laquelle participait son "ami et collègue" M Abdelaziz Bouteflika déclara : " On est obligé de se creuser la cervelle pour trouver les problèmes sur lesquels l'Algérie et la France ont une optique différente, vraiment différente ". Sans commentaires.

Au sujet des accords d'Evian : " Réussissez ou échouez mais surtout ne laissez pas la négociation se prolonger indéfiniment...D'ailleurs ne vous attachez pas au détail... " le Président de Gaulle à Louis Joxe, négociateur.

Le référendum du 8 avril 1962 entérine ces accords sans la participation des Français d’Algérie qui ont été exclus du vote. Cette violation flagrante de la constitution et des droits de l'homme ne provoqua aucune contestation dans les milieux bien pensants métropolitains.

Un des prétexte officiel de ce largage et surtout de ses conditions abjectes, fut que L'Algérie coutait plus cher à la métropole, que ce qu'elle lui rapportait (" L’ Algérie nous coûte plus qu’elle ne nous rapporte... " Ch de Gaulle 11 avril 1961) Argument spécieux s'il en est du point de vue financier à l'époque où le pétrole devenait une arme économique de première importance. Mais aussi sur le point de vue culturel et confessionnel, puisque l'Algérie, précurseur dans ce domaine, serait à l'heure actuelle, le seul pays d'Afrique ou les trois religions monothéiste auraient cohabitées.
Ainsi donc, la multi culturalité, la diversité et le métissage tant prônés a l'heure actuelle, furent sacrifiés sur l'autel de la raison d'état.
D'autre part, demande-t-on à la Creuse, à la Corse, à la Bretagne ou aux DOM de prouver leur rentabilité pour pouvoir rester dans le giron français ?

L'exode imprévu des Français d'Algérie

Lorsqu'en 1962, la grande majorité des Français d'Algérie fuient l'Algérie pour se réfugier en France, ce phénomène brutal et massif prend totalement de court l'Etat et le gouvernement français. Ce dernier avait estimé que 400 000 personnes résidant en Algérie viendraient s'installer en France sur quatre ans. Cette erreur d'appréciation peut s'expliquer par deux raisons principales. La première mésestime l'attachement des Européens d'Algérie à demeurer Français. Cet attachement explique toutes les actions violentes et le soutien d'une partie non négligeable des Français d'Algérie au combat mené par l'Organisation armée secrète (OAS) pour le maintien de la présence française en Algérie. La deuxième erreur d'estimation commise par les gouvernants français est d'avoir cru que la plupart des Français d'Algérie ne quitterait pas leur sol natal. Le lien existant, au demeurant important certes, entre ces habitants et la terre algérienne a été surestimé.
L'arrivée des rapatriés d'Algérie s'est progressivement accélérée parallèlement aux événements et aux épisodes dramatiques et parfois sanglants des derniers mois de l'Algérie française. Déjà, certains mouvements démographiques, relevés par Daniel Lefeuvre, préfiguraient la " grande ruée de 1962 " : " repli du bled vers les villes ; repli des quartiers périphériques ou ethniquement mêlés des villes vers les quartiers européens ; repli enfin vers la métropole, d'abord des capitaux, puis des enfants "(2).
Vers la fin de l'année 1961, le nombre de personnes regagnant la métropole augmente sensiblement mais en restant tout de même assez faible. En mars et avril 1962, après la signature des accords d'Evian, le mouvement demeure toujours lent. Cela s'explique par l'espoir toujours présent d'un règlement favorable de la guerre pour les Français d'Algérie, mais aussi dans la présence toujours importante et visible de l'Armée française. Cet état d'esprit d'attentisme est modifié par la répression des diverses manifestations pour le maintien de la France en Algérie, dont la plus connue est la fusillade de la rue d'Isly le 26 mars 1962 qui se termine en drame. L'armée française tire sur une foule désarmée, qui manifestait contre le bouclage du quartier européen Bab-el-oued, faisant ainsi 61 morts et une centaine de blessés.
Si l'Organisation Armée Secrète (OAS) interdit tout départ des Français d'Algérie vers la métropole, l'échec du plan d'insurrection des villes algériennes, du ralliement de l'Armée et du sabordage des Accords d'Evian poussent leurs responsables à la politique de la terre brûlée(3).
Ainsi, à partir du mois d'avril et jusqu'au mois d'août 1962, le reflux des Français d'Algérie s'accélère pour devenir un exode brutal et désordonné : en mai 1962, 101 250 personnes quittent l'Algérie, 354 914 en juin, 121 020 en juillet et 95.578 en août. Au sentiment de ne plus être protégé par l'Armée française, s'ajoute l'insécurité latente à laquelle sont confrontés les Européens d'Algérie avec les enlèvements, les assassinats, les attentats et exécutions sommaires dont l'exemple le plus marquant est le massacre d'Oran les 6 et 7 juillet. Entre le 19 mars et le 31 décembre 1962, 3018 personnes auraient été enlevées, sur lesquelles 1245 auraient été retrouvées et 1165 seraient décédés(4).
À partir du mois de septembre 1962, les départs diminuent quoique constituant encore un mouvement important car à l'insécurité physique, succède l'insécurité économique avec la progressive déliquescence de l'économie algérienne et le sentiment de n'avoir plus de place dans la nouvelle Algérie indépendante.

Violences et migration politique. Quitter l’Algérie en 1962 Publié par abderahmenmoumen

(2) Daniel Lefeuvre, " Les trois replis de l'Algérie française ", in Jean-Charles Jauffret (dir), Des hommes et des femmes en guerre d'Algérie, Autrement, Paris, 2003, p. 56-72.
(3) Le 17 juin 1962, l'accord Susini-Mostefai entre l'OAS d'Alger et le FLN annonce la fin du mythe de l'Algérie française. De sa prison, le général Salan s'y rallie et appelle, sans être entendu, les Européens d'Algérie à rester.
(4) Chiffres présentés au Sénat par Jean de Broglie, secrétaire d'Etat aux Affaires algériennes, en 1964.


Transmis par H.C

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Mis en ligne le 10 sept 2010 - Modifié le 07 février 2012

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