Ibrahim
Le nouveau Dey était un homme avare, brutal et capricieux ; il se rendit bientôt odieux à tout le monde, et sa vie fut plusieurs fois menacée. Après la perte d'Oran, il avait envoyé des secours à l'armée qui essayait de reprendre la place, et s'irritait en voyant que les efforts du Bey de l'Ouest restaient inutiles ; il n'était pas plus heureux sur mer, où les chevaliers de Malte avaient battu l'escadre envoyée pour croiser devant Mers-el-Kebir, pendant qu'une tempête violente causait devant Metelin la perte de six vaisseaux de guerre. La Course, par suite de ces échecs, ne rapportait rien ; la pénurie était extrême, et l'humeur d'Ibrahim s'en ressentait.

Il se montre mal disposé pour la France
Tout naturellement, les consuls européens eurent à souffrir de cet état de choses ; M. Lemaire en fut la première victime. L'armée espagnole comptait dans ses rangs un grand nombre d'officiers français, et quelques-uns d'entre eux avaient été faits prisonniers dans les sorties de la garnison ; plusieurs navires provençaux, qui avaient depuis longtemps l'habitude de commercer avec Oran, avaient été capturés par la croisière algérienne, au moment où ils y portaient des vivres, ce que le Dey voulut considérer comme un acte d'hostilité ; ils furent donc déclarés de bonne prise, et leurs équipages furent mis aux fers.
En vain le Consul voulut-il faire entendre ses réclamations. " Ton Roi se dit mon ami, et on vous trouve toujours au premier rang de ceux qui nous combattent, " lui fut-il répondu(1). Les difficultés étaient encore augmentées par les Juifs, sur lesquels la Chambre de Commerce s'obstinait à vouloir faire percevoir les droits ; leur chef, Ben-Zibet, qui prêtait de l'argent à Ibrahim et qui se chargeait de vendre en Europe les denrées que celui-ci percevait des tributaires, ne cessait de lui représenter que les impôts exigés diminuaient d'autant son revenu, et l'amenait facilement à donner ordre qu'on abandonnât toute exigence de cette nature : " Je souhaiterais, écrivait Lemaire aux Échevins, qu'il fut possible(2) d'exécuter vos ordres avec autant de rigueur qu'ils paraissent le demander ; mais Alger veut être excepté des autres Échelles, où les Pachas, craignant les répréhensions de la Porte, favorisent en tout les Consuls, leur prêtent leurs forces et leur donnent leurs secours lorsqu'ils les réclament, contre les Raïas ou sujets du Grand Seigneur, pour leur faire subir les peines portées par les ordonnances du Roy ; le Dey ici, au contraire, est le seul maître ; il protège les Juifs et les étrangers qui apportent du profit à son royaume par leur commerce, et les défend vivement, si l'on veut user à leur égard des rigueurs auxquelles l'ordonnance du 4 février 1727 les assujettit. "
Ailleurs, il annonce à M. de Maurepas qu'il n'a pas osé faire publier le décret dont il vient d'être question plus haut : " Dans la situation où nous sommes avec le Dey, et, joint encore à cela son esprit peu raisonnable, la publication de cette ordonnance peu favorable aux Juifs et aux étrangers les aurait sans doute portés à lui faire entendre que c'est un tort qu'on veut faire à ses intérêts, et, pour se venger, ils n'auraient rien oublié de tout ce qui aurait pu l'indisposer encore plus contre nous. " En somme, la situation était pénible, au milieu des intrigues de toute sorte qui agitaient la Jenina. Le Sultan, en envoyant à Alger le caftan d'investiture, avait de nouveau recommandé la paix avec l'Empire ; cette solution était vivement poursuivie par un certain Holden, qui se faisait aider par l'ancien chancelier Natoire, dont les friponneries venaient d'être découvertes et punies par un arrêté d'expulsion et une lettre de cachet ; rigueurs inutiles, qu'il bravait, s'étant réfugié chez les ennemis de la France, et conservant des intelligences au consulat, par le Drogman, qui servait d'espion ; M. Lemaire avait vainement voulu expulser ce traître, que le Dey l'avait obligé à reprendre.

Intrigues anglaises
D'un autre côté, les Anglais offraient d'envoyer leur flotte bloquer Oran par mer, pendant que les Algériens en ruineraient les défenses de terre ; ils demandaient, pour prix de ce service, un établissement à Mers-el-Kébir, et leurs riches présents avaient déjà enlevé le consentement d'Ibrahim ; mais la Milice ne voulut pas accepter cette combinaison, grâce au consul français, qui ne cessait de lui représenter que l'Angleterre serait bien plus dangereuse pour la Régence que l'Espagne. Le Dey fut donc forcé de renoncer à ses projets ; son dépit s'en accrut, et il refusa toute satisfaction des dommages causés : " Je ne puis obtenir aucune réparation ni les satisfactions que le Roy demande avec juste raison et que je sollicite avec chaleur vainement auprès d'un dey féroce, qui ne veut écouter d'autres raisons que celles que son sordide intérêt lui suggère, et sa haine implacable pour le nom chrétien, qu'il abhorre. "
Le 30 mai 1734, une escadre française, commandée par M. de Court, vint demander des réparations, et ne put rien obtenir : Ibrahim se contenta d'opposer grief à grief, disant que la France approvisionnait ses ennemis d'armes et de munitions, leur fournissait des officiers, des ingénieurs et des soldats ; que le consul trompait le Roi ; que, du reste, il était fou, avait cherché à tuer ses chaouchs, et qu'il voulait en être débarrassé avant tout. L'escadre repartit le 7 juin, sans avoir reçu d'autre réponse. Voici les détails que donne M. Lemaire à cette occasion : " Ce commandant n'étant venu que par aventure et relâche, comme il l'a fait représenter au Dey par trois officiers qu'il envoya à terre le lendemain de son arrivée, n'a pu obtenir aucun point des satisfactions qu'il lui a fait demander, ce qui fait voir l'obstination de ce Gouverneur à ne rien accorder au Roy sur les infractions commises par ses corsaires aux traités. Ces officiers ont négocié en ma présence et de plusieurs autres des plus considérables du Divan, avec toute la douceur et les ménagements possibles, avec cette Puissance, qui n'a même pas voulu écouter les raisons les plus plausibles qu'on ait pu lui représenter pour le convaincre à faire des réparations, et du besoin qu'a cette République d'entretenir la paix et l'union avec la France, ce qui a été entièrement infructueux. "
A Alger, la misère était très grande ; à la disparition des revenus de la Course était venue se joindre une terrible famine, causée en très grande partie par les Kabyles, qui s'étaient insurgés, coupaient les routes, et empêchaient les arrivages de blé. La Porte, qui avait promis des secours pour la reprise d'Oran, ne les envoyait pas, étant trop occupée elle-même par sa guerre contre les Russes.
Si le Dey sollicitait le rappel de M. Lemaire, celui-ci n'était pas moins impatient de partir ; il fut remplacé le 6 avril 1735, par M. Taitbout(3), qui fût particulièrement bien accueilli ; il est vrai qu'il apportait des présents pour une valeur de plus de six mille francs.

Guerre et prise de Tunis
Il était à peine à Alger depuis quelques jours, que la guerre fut déclarée au Bey de Tunis. Son neveu Ali, qui depuis sept ans, était interné à Alger, s'y était créé des partisans ; néanmoins, tant qu'Hassen-ben-Ali paya régulièrement l'annuité de dix mille piastres qu'il avait promise à Cur-Abdi pour le décider à interner son rebelle parent, le prisonnier fut bien gardé. Mais, soit que le Bey crût n'avoir plus rien à craindre de lui, soit qu'il manquât d'argent, la dernière année venait de se passer sans qu'il eût rien envoyé.

Intervention inutile de la Porte
Ali profita de l'occasion, promit au Dey tout ce qu'il voulut, s'il lui prêtait appui ; celui-ci, toujours obéré, et espérant remplir le trésor par une heureuse campagne, accepta les propositions de son ancien captif ; il fit partir une armée de sept mille Turcs, sous les ordres de son neveu Ibrahim. Le Bey, effrayé, offrit un présent de cinquante mille piastres pour obtenir la paix ; il avait en même temps imploré l'intervention de la Porte, qui dépêcha à Alger un capidji, chargé d'interdire toute entreprise contre Tunis. Lorsqu'il arriva, les opérations étaient déjà commencées ; le Dey, très décidé à ne pas les interrompre, ne trouva d'autre solution que de faire partir l'envoyé du Sultan pour le camp, avec des lettres conçues de telle façon, que le malheureux fut accusé d'avoir faussé le firman dont il était porteur, et décapité comme coupable du crime de lèse-majesté.
Les deux armées se rencontrèrent à la frontière ; Hassen fut battu et s'enfuit avec ses deux fils et ses trésors. Les Algériens arrivèrent devant Tunis le 3 septembre, et les portes leur furent ouvertes dans la nuit par la garnison turque elle-même ; seuls, les Colourlis essayèrent de défendre la place ; il en fut fait un grand massacre. Ali fut proclamé Bey ; il se reconnaissait vassal d'Alger et se soumettait à un tribut annuel de deux cent mille écus et de la quantité de blé nécessaire aux rations de la milice. Au mois d'octobre, les Tunisiens, écrasés d'impôts pour subvenir à ces charges, se révoltèrent de tous les côtés à la fois, et le nouveau souverain se trouva hors d'état de remplir ses engagements, en sorte que cette expédition fut loin d'être fructueuse pour l'Odjeac.

Famine à Alger
Jamais le peuple d'Alger n'avait été si misérable ; le nombre des vaisseaux de Course diminuait chaque jour et l'argent manquait au Beylik pour en construire. Les armements que faisait l'Espagne jetaient une grande terreur dans la ville, et des émeutes éclataient chaque jour. Ibrahim affectait de tourner ces craintes en dérision, et déclarait hautement qu'il répondrait au premier coup de canon par le supplice de tous les chrétiens qui se trouvaient dans la ville. Toutefois, il faisait augmenter les fortifications, et reconstruisait le pont de l'Harrach, celui qu'avait édifié jadis Hadj'-Ahmed ayant été emporté par une crue subite. Le Bey de Tunis contribua, dit-on, à la dépense, et procura l'architecte.
Les trois années suivantes, la récolte manqua ; les plus riches trouvaient difficilement à acheter du pain, et les esclaves, auxquels leurs maîtres ne donnaient plus rien à manger, mendiaient de porte en porte. Pour se procurer quelque argent et décider l'Espagne à racheter ses captifs, le Dey les soumit au travail des carrières et les fit enchaîner ; il provoqua ainsi une Rédemption qui lui rapporta plus de deux cents mille piastres sévillanes ; les officiers furent taxés à huit cents piastres par tête ; les colonels à quatre mille ; M. d'Aregger à dix mille, et M. de Saldecagne à vingt-deux mille. Six mois après, les Trinitaires dépensèrent de nouveau cinquante-cinq mille piastres pour le même motif, et l'année suivante quatre-vingt-six mille. La Suède, la Hollande et l'Angleterre suivirent l'exemple, et firent de riches présents ; l'aisance reparut à Alger, et de nouveaux bâtiments se dressèrent sur les chantiers ; des secours furent envoyés au Bey de Tunis, que son oncle assiégeait, à l'aide des populations insurgées ; ce renfort lui permit de se faire payer les impôts arriérés et de solder lui-même ce qu'il devait à la Régence.
M. Taitbout avait été laissé fort tranquille depuis son arrivée, à part un petit incident, provoqué par quatre Reïs, qui s'étaient introduits chez lui en état d'ivresse, et l'avaient, par leur insolence, forcé de mettre l'épée à la main pour se débarrasser d'eux. L'un d'eux, nommé Mahmet, que l'on verra reparaître tout à l'heure dans une affaire plus grave, porta plainte au Divan, invoquant la loi qui punissait de mutilation tout Chrétien qui avait levé la main contre un Turc ; après s'être mis fort en colère, le Dey, mieux informé, fut le premier à calmer cet ouragan. Le consul n'eut donc guère à souffrir que de l'humeur bizarre d'Ibrahim, qui lui imposait des drogmans, dont quelques-uns ne savaient même pas un mot de français, et le faisait mander pour lui demander des explications sur des choses qui ne le concernaient en rien, lui reprochant de ne pas vouloir l'éclairer et de tout lui cacher, lorsque M. Taitbout protestait à juste titre de son ignorance, A ces déboires, s'ajoutaient les épreuves d'une cruelle maladie, la sciatique, qui le força de solliciter son rappel ; il partit au mois de Mars 1740, laissant l'intérim à son chancelier, M. de Jonville, emportant l'espoir trompeur de se guérir en France et de venir reprendre ses fonctions. Pendant son séjour, il avait su déjouer avec habileté les intrigues de Natoire, toujours réfugié au consulat anglais, dont son ami Holden venait d'être nommé titulaire ; ces ennemis de la France se servaient auprès du Dey d'un riche Juif, nommé Nephtali Busnach, dont le petit-fils devait jouer un si grand rôle soixante ans plus tard.

Peste de trois ans
Au mois de juin 1740, une terrible peste éclata à Alger, où elle fut introduite par un vaisseau venant d'Alexandrie ; la première semaine coûta la vie à mille personnes, et, pendant le premier mois, il en mourut de deux à quatre cents par jour. Après cet assaut, le mal diminua un peu de violence ; mais il dura trois ans et gagna la Tunisie, où il fit de cruels ravages. Le Bey Ali venait de prendre Kairouan, où son oncle s'était réfugié, et lui avait fait couper la tête. Le fils du malheureux Hassen se sauva d'abord au Caire ; quelques mois après, il se rendit à Tripoli, où ses partisans l'assuraient qu'il serait bien reçu, et qu'on l'aiderait dans les tentatives qu'il méditait de faire pour reconquérir ses États. En effet, le Bey l'accueillit d'abord fort amicalement ; mais, au bout d'un an, intimidé par les menaces d'Ali, il fit égorger son hôte et toute sa suite, s'emparant de tous les bagages et d'une somme de deux cents mille sequins.
Le Roi des Deux-Siciles avait, dès le mois de mai, envoyé à Alger le chevalier Finochietti, accompagné d'un capidji de la Porte, pour demander la paix ; le Divan voulut la lui faire acheter si cher, qu'il dut partir sans avoir rien conclu.

M. de Jonville est mis aux fers
Vers la fin de l'été de 1741, survint un incident qui faillit occasionner une rupture avec la France et qui mit en danger la liberté et la vie de l'agent consulaire et des prêtres de la Mission. Deux chebeks algériens, qui croisaient devant les côtes de Provence, dans l'espoir de s'emparer de quelques-uns des navires qu'y attirait la foire de Beaucaire, furent forcés par une tempête de se réfugier dans le port de Toulon, où ils furent bien reçus ; ils y séjournèrent pendant une quinzaine de jours. A leur départ, ils s'avisèrent de donner la chasse à une barque génoise, de laquelle ils allaient s'emparer, lorsqu'une galère espagnole de l'escadre du prince Don Philippe, embusquée derrière le cap Sicié, fondit sur eux, et s'empara du bâtiment commandé par Mahmet Reïs, tandis que l'autre, sous les ordres de Soliman, se sauvait à toutes voiles, et rentrait à Alger, où le corsaire accusait les Français d'avoir livré le chebek à l'ennemi. La vérité est que la prise avait été faite sous les yeux de M. de Massiac, commandant la frégate Le Zéphir, qui eut dû s'opposer à cette capture ; car les traités qui interdisaient aux Algériens de courir sus aux bâtiments étrangers à moins de trente milles des côtes, leur assuraient la garantie réciproque. Il est vrai que les deux corsaires avaient donné l'exemple ; mais cela était une affaire à régler entre la France et la Régence ; on n'eût pas dû permettre à l'Espagne d'intervenir et de donner ainsi au Dey une sorte de prétexte pour se livrer à des violences que M. de Jonville nous décrit en ces termes(4) : " Le chebek, voyant qu'il ne pouvait résister, se laissa enlever par la galère auprès du port même sans tirer un coup de fusil, le Reïs présumant bien qu'il serait réclamé par Monsieur l'Intendant, parce qu'il était persuadé que cet acte, contraire au traité qui, défendant aux Algériens de ne faire des prises d'Espagnols ou d'autres de leurs ennemis qu'à trente milles au large, il fallait pour la même raison que les Algériens ne pussent être pris qu'à cette distance des terres de France. "
" Les soldats turcs pris et mis sur la galère d'Espagne, écrivirent au Dey par le second chebek, qui arriva quinze jours après ; la lettre fut lue publiquement et elle contenait, qu'après avoir été détenus à Toulon fort longtemps sous différents prétextes et n'y avoir reçu que toute sorte de mauvais traitements, on les avait forcés de partir pour les livrer à la galère espagnole, qui, ayant eu des avis secrets de Toulon, s'était venue tenir aux aguets sous le cap Sicié ; et, qu'après cette noire trahison, la galère les ayant conduits à Toulon, ils y avaient été l'opprobre de la populace, qui leur avait craché au visage, jeté des pierres et maudit leur loi ; ce traitement, qui fut également confirmé par ceux qui avaient pris terre, et qui sont venus avec ce second chebek, dont le Reïs ne fut pas le moindre à parler contre l'Intendant de Toulon, ce traitement, dis-je, ayant mis le Dey dans une colère extrême, il fit sur le champ ôter le gouvernail à sept de nos bâtiments, qui se sont malheureusement trouvés dans le port ; et, le lendemain matin, ayant fait enchaîner les équipages deux à deux, il se fit amener Monsieur le Vicaire apostolique et ses deux confrères, auxquels ayant demandé s'ils étaient Français, et, ces Messieurs répondu que oui, il les envoya enchaînés au bagne des esclaves, ce qui m'obligea à lui aller faire tout de suite des représentations, et à le supplier de changer cette violente disposition, jusqu'à ce que le Ministre eût pu être informé des plaintes qui lui avaient été portées ; mais, bien loin de m'écouter, il me fit saisir par des chaoux, qui m'entraînèrent au même bagne, où on me mit au pied d'une façon très ignominieuse une pesante chaîne terminée par un billot du poids de cent livres. "
Cinquante-quatre Français furent traités de la même façon, et conduits enchaînés au travail des carrières. Quelques jours après, ils obtinrent un léger adoucissement à leur sort, moyennant quelques présents distribués aux gardiens du bagne ; mais ils ne recouvrèrent leur liberté que dans les premiers jours de janvier 1742. Le consul anglais Stanifford profita de ces événements pour demander à être mis en possession des Concessions de l'Est, que le Dey venait de séquestrer entre les mains du Bey de Constantine ; ces démarches n'eurent aucun succès. M. de Salve, gouverneur du Bastion et plusieurs de ses agents, furent détenus à Bône pendant quelques jours, mais sans violences. Quoique M. de Jonville eût été remis en liberté, la situation était toujours très tendue ; le Dey réclamait impérieusement le chebek capturé, et, ne voulant pas comprendre qu'il fallait au moins attendre qu'on se le fit rendre par l'Espagne, montrait de nouveau des dispositions hostiles. Enfin, le 18 Mai, M. de Massiac arriva sur l'Aquilon, escortant la prise, et amenant le nouveau consul, M. d'Evans, chevalier de Saint-Lazare, et Cordon-Rouge, qui était chargé de payer la valeur de la cargaison ; Mahmet Reïs suscita de nouvelles difficultés, en réclamant beaucoup plus que ce qui était du ; mais M. d'Evans démontra très clairement que tout l'objet du litige avait été restitué, et que, bien loin d'avoir été maltraité, le corsaire avait été comblé de présents ; il ajouta que l'Intendant de Toulon avait fait remettre à bord du chebek des présents destinés au Dey et aux Puissances. Ibrahim, qui n'avait rien reçu, procéda à une perquisition, découvrit le larcin, et, furieux d'avoir été joué, condamna à mort le coupable, qui, averti par quelques amis, s'enfuit précipitamment au Maroc et n'osa plus reparaître à Alger.

Pillage de Tabarque
Les Concessions, qui avaient été données en 1719 à la Compagnie des Indes, et qui étaient passées en 1730 à la première Compagnie d'Afrique, se trouvaient affermées, depuis le mois de février 1741, à la Compagnie Royale d'Afrique, représentée par M. de Fougasse. A ce moment, les Lomellini de Gênes désiraient vendre leur établissement de Tabarque, et la nouvelle Compagnie était entrée en négociations avec eux à ce sujet. Le Bey de Tunis, informé de cette combinaison, en écrivit à Alger, et reçut l'ordre de s'y opposer ; il expédia tout aussitôt huit galiotes, qui débarquèrent sur l'île, ravagèrent les magasins et emmenèrent neuf cents prisonniers. L'établissement français du cap Nègre fut traité de la même façon. Cinq cents corailleurs purent se sauver à la Calle et à l'île de Saint-Pierre(5).

Expédition malheureuse de M. de Saurins
A cette nouvelle, M. de Saurins fut envoyé avec deux brigantins et douze cents hommes environ pour s'emparer de Tabarque par un coup de main. Il partit de Toulon le 26 avril 1742 ; deux frégates et quatre galères, sous les ordres de M. de Massiac, le suivirent à quinze jours de distance, pour appuyer l'opération ; malheureusement, les équipages et les chiourmes de ces bâtiments furent tellement éprouvés par une violente épidémie, que la petite escadre dut se retirer à Cagliari et abandonner M. de Saurins à ses propres forces. Quelque audacieux que fut ce jeune officier, il hésitait à tenter l'entreprise avec aussi peu de monde ; il finit cependant par s'y décider, sur les instances de Fougasse, qui lui offrit de l'accompagner avec deux ou trois cents corailleurs, et lui affirma que les indigènes se joindraient à eux, mus par le désir de voir subsister des comptoirs qui les enrichissaient. L'attaque fut donc résolue, et on partit de la Calle le 2 juillet au soir. A deux heures et demie du matin, le chef de l'expédition débarqua sans rencontrer d'obstacles et attaqua vivement le poste. Mais on avait été trahi par les espions indigènes qu'on avait employés ; les remparts se couvrirent de Turcs, qui ouvrirent un feu terrible sur les assaillants ; les corailleurs perdirent la tête, se mirent en débandade, et coururent pêle-mêle vers les barques, qu'ils débordèrent, abandonnant au fer de l'ennemi les officiers et quelques braves, qui furent massacrés ou pris, malgré leur résistance désespérée. M. de Saurins fut fait prisonnier, après avoir reçu un coup de fusil dans le cou, un dans le bras droit, et deux coups de sabre sur la tête. MM. de Thieuville et de Gineste furent tués ; MM. de Kalio et de Meyronnet blessés. Enfin, cette défaite coûta cent hommes tués, soixante blessés et cent cinquante prisonniers, parmi lesquels beaucoup de corailleurs ; car leur lâcheté ne les avait pas sauvés, les Turcs ayant fait une sortie, et leur ayant coupé le chemin au moment de leur fuite. Les Français pris furent délivrés l'année suivante, lorsque le Bey, effrayé, demanda et obtint la paix.

Destruction de l'établissement du cap Nègre
Après la conclusion du traité, M. de Fougasse s'occupait à rétablir le Gap Nègre, lorsque, en 1744, le Bey, excité par les Anglais, envoya cinq chebeks contre la Compagnie, accusée de relever les anciennes fortifications. Les marchandises, le corail et l'argent furent enlevés ; le personnel, pris ou dispersé, mourut de faim dans les broussailles ou fut massacré par les indigènes. Les Anglais profitèrent de cet incident, et demandèrent à affermer les Établissements à un prix double de celui qu'en donnait la Compagnie Royale ; une escadre de sept vaisseaux vint appuyer cette demande, qui n'eut aucun succès.
Cependant, M. d'Evans, à peine arrivé, avait été soumis à des exigences qui rendaient sa situation excessivement difficile. Ibrahim s'était laissé persuader de lui imposer la cérémonie du baisemains, à laquelle les consuls français n'avaient jamais été astreints ; il refusa de s'y soumettre et demanda son rappel. Une autre contestation eut lieu, au sujet d'un drogman qu'on voulait lui imposer, et qui était un espion aux gages des Hollandais. Il quitta Alger, remit les sceaux à M. de Jonville, qui les rendit le 16 juillet 1743 à M. Thomas, ancien consul de Salonique. En arrivant, il trouva la ville plongée dans la consternation : la foudre était tombée sur la poudrière du Fort-l'Empereur ; l'explosion avait détruit les trois quarts des fortifications et causé de grands désastres. Le Dey, à court d'esclaves, avait recruté de force une grande quantité d'indigènes, qui travaillaient sous le bâton, ne recevant qu'une nourriture très insuffisante ; les tentatives de fuite étaient punies de mort.
Le commencement de la gestion du nouveau consul fut un peu troublé par la fuite à bord de deux esclaves qu'il parvint à faire restituer ; mais les lenteurs inévitables dans ces sortes d'affaires le mirent souvent dans de grands embarras ; il eut à subir les menaces d'Ibrahim, dont la mauvaise volonté contre la France ne se démentait pas. Au moment du ravage des Concessions, ce fut en vain qu'il essaya d'obtenir justice ; il fut à peine écouté, et les réclamations qu'il fit à la Cour ne paraissent pas l'avoir été davantage.

Mort du Dey
Le vieux Dey, très affaibli de toutes façons, ne se montrait plus en public depuis longtemps ; à l'automne de 1745, il fut atteint de dysenterie, et, prévoyant sa mort prochaine, il désigna pour lui succéder le Khaznadji Ibrahim-Kutchuk, son neveu, qui fut proclamé le 20 octobre ; le souverain démissionnaire ne jouit pas longtemps de son repos, et mourut le 17 novembre.

Ibrahim Kutchuk
Son successeur était un homme de 45 ans ; il se montra très bienveillant pour les Français, et son règne fut un véritable soulagement pour eux.

Guerre de Tunis
A peine installé, il se disposa à châtier l'insolence du Bey de Tunis, qui, non content de se soustraire au tribut qu'il devait, venait d'attaquer son voisin de Tripoli, allié des Algériens, et l'avait réduit à se suicider. L'armée algérienne, forte de quatre mille Turcs, partit le 6 avril 1746, se renforça le long de la route des contingents indigènes et des troupes du Bey de Constantine. Elle remporta d'abord quelques succès ; mais elle commit la faute de s'attarder au siège de Kef ; les assiégés firent d'heureuses sorties ; les maladies décimèrent les Ioldachs, et il fallut repasser la frontière ; les escarmouches continuèrent jusqu'à l'automne de 1747, sans grand résultat de part ni d'autre. A ce moment, la paix fut conclue, grâce aux présents de soumission que fit Ali, et au besoin que le Dey avait de ses troupes, pour les porter dans la province de l'Ouest, où les plus grands désordres se commettaient.

Révolte de Tlemcen
Dès le mois de janvier 1746, le Bey du Ponant, après avoir pressuré autant que possible les populations, s'était sauvé à Oran avec ses trésors ; les Colourlis, las d'être exploités et maltraités par les Turcs, avaient chassé le faible Ioussef, et rêvaient la reconstitution du royaume de Tlemcen ; Ibrahim dirigea toutes ses forces contre eux, les battit, reprit la ville, qui fut cruellement pillée et ne se releva jamais de ce coup ; les rebelles furent anéantis. Pendant cette répression, on acquit la certitude que les Colourlis de la province d'Oran étaient d'accord avec ceux d'Alger, et qu'ils avaient projeté le renversement de la puissance turque.

Mort du Dey
Le Dey se décida à les exterminer, et avait ordonné leur massacre pour le jour du Beiram, lorsqu'il mourut subitement, le 3 février 1748, très probablement empoisonné.

Mohammed-ben-Beker
Le Khodjet el-Kheil Mohammed-ben-Beker lui succéda. Il était intelligent et lettré, avait une très grande réputation de justice et d'humanité.

Il rétablit l'ordre dans Alger
Il s'occupa d'abord de rétablir l'ordre, fort troublé par les derniers événements, et exerça une police sévère ; au bout de quelques mois, il avait purgé le pays des bandits qui l'infestaient. " Jamais, écrivait le consul Thomas, cette ville n'a été aussi paisible ; elle est maintenant aussi bien policée qu'aucune autre d'Europe, ce qui n'avait pas lieu sous ses prédécesseurs, et surtout sous le dernier Dey, qui laissait vivre les soldats avec une licence effrénée(6). " En même temps, il augmentait les armements, s'occupait activement des fortifications et exigeait très strictement les tributs en nature de la Suède, du Danemark et de la Hollande, afin d'approvisionner ses arsenaux. Depuis quelques années, ces nations avaient fait des dons considérables d'agrès, de poudre et de projectiles.
En 1747, le Danemark avait envoyé quarante canons, quatre mortiers, vingt mille boulets, six mille bombes et une grande quantité de matériaux de construction ; on refusa de prendre livraison des mortiers, qui étaient en fonte de fer, et on en exigea d'autres en bronze, sous peine de rupture du traité. Les Hollandais fournirent des agrès, de la poudre, des boulets et du plomb pour plus de trente mille francs. Les Suédois, du goudron, du brai, des mâts, des bordages, des câbles, cinq cents quintaux de poudre et vingt mille boulets. Ils furent néanmoins victimes d'une de ces avanies singulières, où la cupidité algérienne atteignait une sorte de grandeur comique. Les riches présents qu'ils envoyaient au Dey et aux Puissances avaient été chargés sur le navire napolitain La Conception-Miraculeuse, qui tomba aux mains des corsaires : bien que les caisses qui contenaient ces dons portassent l'adresse des destinataires, le Dey les déclara de bonne prise, comme ayant navigué sous pavillon ennemi, et fit savoir au consul qu'on eût à en envoyer d'autres, si on voulait conserver les bonnes relations. Cependant il voulut bien consentir à ne pas considérer comme captifs les porteurs des présents.

Projets de croisade contre les Barbaresques
Depuis quelques années, le pape Benoît XIV s'occupait activement d'organiser une croisade contre les puissances barbaresques. Malte, Venise, Gênes, les Deux-Siciles, avaient promis leur concours. L'armada devait se réunir à Oran, où se dirigeaient déjà les munitions et les approvisionnements ; le corps de débarquement était de douze mille hommes, qui s'exerçaient, en attendant le commencement des opérations. Alger tremblait, et avait demandé de l'aide à Constantinople, qui recevait assez mal la pétition, et répondait que la désobéissance des Reïs et l'indiscipline de la Milice méritaient une sévère leçon ; toutefois, le Grand Divan envoya quelques renforts, du canon et des artilleurs, dont l'Odjeac manquait. Sur ces entrefaites, M. Thomas fut remplacé par M. André-Alexandre Lemaire, qui arriva à Alger le 21 mai 1749. Il y fut d'abord bien reçu par le Dey, qui ne cessait cependant de lui manifester ses inquiétudes au sujet de l'alliance de la France et de l'Espagne, dont il craignait de voir les efforts se réunir contre lui ; les secours qui furent donnés à des Reïs échoués sur les côtes de Provence et du Languedoc amenèrent une détente dans les relations. Au reste, le projet de croisade avorta, par l'avarice des uns et l'incurie des autres. Jamais Alger n'échappa à un si grand danger ; au premier signal, toutes les nations de l'Europe eussent fondu sur la Régence ; car il n'en était pas une qui n'eût des affronts récents à venger.

Démarches inutiles de l'amiral Keppel
Trois vaisseaux anglais, qui avaient été accusés d'avoir vendu de la poudre aux Kabyles, étaient détenus par le Beylik, qui avait confisqué les marchandises et les équipages ; les réclamations du consul Stanifford ne lui rapportaient que des menaces ; à Londres, l'irritation fut très grande, et l'on envoya une escadre de sept navires de guerre, sous les ordres de l'amiral Keppel. Il arriva le 9 août et exposa ses griefs le 10, au Divan assemblé ; mais il n'obtint que des réponses dilatoires, et la promesse de l'envoi de deux ambassadeurs, qui partirent en effet le 19 septembre, emportant avec eux quelques présents de peu de valeur. Le 10 juillet de l'année suivante, Keppel revint avec quatre vaisseaux ; le Dey refusa de conférer, jusqu'au retour de son ambassadeur, et feignit de s'offenser de ce que Stanifford était entré à l'audience l'épée au côté. Le 16 septembre, la flotte anglaise reparut devant Alger ; l'assemblée eut lieu le 18, et l'amiral y fut victime de la froide raillerie familière aux Turcs. Il avait débuté en insistant pour ne pas rendre l'hommage du baisemains et pour conserver son épée au Divan ; le Dey y consentit en souriant. Mais lorsqu'il arriva à la véritable question, demandant comme compensation des dommages causés, que l'Angleterre eût les mêmes droits que la France, Mohammed lui répondit narquoisement qu'il venait déjà de lui accorder deux grandes faveurs, et qu'il craindrait d'exciter la jalousie des autres nations en lui en octroyant une troisième. L'affaire se termina par la restitution d'une vingtaine de captifs, le châtiment de Deux Reïs et l'abolition des passeports ; quant aux cargaisons, le Divan répondit " qu'elles avaient été mangées. " Keppel se rendit à Tunis, et demanda au Bey l'île de Tabarque et le comptoir du Cap-Nègre ; celui-ci se laissa faire des présents, et finit par déclarer qu'il n'osait rien conclure ; car le Dey, qui prétendait que ces deux points appartenaient à l'Odjeac, lui avait interdit d'en disposer. Les Anglais furent fort mécontents ; mais ils se souvinrent que la dernière rupture leur avait coûté deux cent cinquante-six bâtiments de commerce, et l'affaire en resta là, après une nouvelle tentative, aussi infructueuse que les précédentes, qui fut faite le 17 mai 1731.
Dans la nuit du 7 au 8 septembre 1750, la poudrière de l'Étoile avait sauté avec quinze cents quintaux de poudre ; le bordj Muley-Mohammed fut rasé, et beaucoup de maisons du voisinage détruites. Le Danemark et la Suède furent invités à remplacer les munitions qui venaient d'être perdues. Hambourg et la Toscane demandèrent la paix et l'obtinrent à force de présents ; elle ne dura pas un an, et la Course recommença, mais sans rapporter grand chose ; aussi le mécontentement devint général, et le Dey dut réprimer quelques émeutes. Son caractère s'en aigrit ; il devint soupçonneux, cruel, et commença à donner quelques signes de cette démence, qui semble avoir atteint tous les souverains d'Alger les uns après les autres.

Peste de quatre ans et famine
Une peste terrible, qui enleva jusqu'à dix-sept cents personnes par mois, éclata en 1752 et dura quatre ans. Comme de coutume, la famine vint y joindre ses horreurs. Plus menacés que tous les autres par ces deux fléaux, les esclaves se révoltèrent, brisant les portes du grand bagne, et se répandirent en armes dans les rues, sous les ordres d'un horloger de Genève, chef du complot ; les portes de la ville furent fermées, et la sédition fut apaisée, après une lutte longue et sanglante.

Complots
M. Lemaire, qui apportait dans ses fonctions une longue expérience des consulats, une très grande prudence et beaucoup de savoir-faire, parvint à traverser en paix toute la période critique, qui dura jusqu'en 1753. Il savait cependant que Mohammed, à bout d'expédients, ne pouvait plus arrêter les déprédations, et il prévoyait que le moment était prochain où on serait forcé de faire appel à la force. Au moment où il écrivait au Ministre cette phrase prophétique(7) : " Je sens approcher le terme où il sera nécessaire d'avoir une explication formelle avec la Régence et de la faire convenir de ses droits, afin qu'elle cesse de les porter plus loin qu'ils ne doivent aller, " l'orage éclatait.

Affaire Prépaud
Dans le courant du mois de septembre 1752, un capitaine marchand, nommé Prépaud, fit rencontre d'un Reïs algérien, qui se dirigea sur lui sans arborer de pavillon et sans faire de signaux. Craignant d'avoir affaire à un corsaire de Salé, le navire français commença le feu, et ne reconnut son erreur que lorsque le combat fut complètement engagé ; une trentaine de Turcs avaient été tués, quand le capitaine succomba sous le nombre. A son arrivée à Alger, il fut traîné à la Jenina par les parents et les amis des victimes, qui poussaient des cris de vengeance et ameutaient la population. Le Dey, affolé, n'écouta même pas la défense de Prépaud et le condamna à la bastonnade. Les bourreaux exécutèrent l'ordre avec une telle rage, que le malheureux capitaine mourut le lendemain ; son équipage fut conduit au bagne. Les réclamations du consul restèrent inutiles ; Mohammed prétendait être dans son droit, disant que le sang des morts demandait vengeance, et qu'il traiterait de même tous ceux qui attaqueraient ses navires, quoiqu'il pût en résulter. Cependant, il donna la liberté aux matelots, et M. Lemaire, appelé à la Cour pour donner des explications orales, les emmena avec lui au mois d'avril 1754.

Meurtre du Dey
La première fureur passée, l'émotion fut très grande à Alger, où on ne douta pas que la France ne se vengeât prochainement de l'affront reçu. Le départ du Consul vint augmenter la terreur des habitants, et des complots se nouèrent ; on résolut enfin de sacrifier Mohammed comme victime expiatoire. Le 11 décembre 1754, au moment où il faisait la solde, un soldat albanais, nommé Ouzoun Ali, s'avança comme pour lui baiser la main, et le frappa de son sabre au défaut de l'épaule ; quoique grièvement blessé, il se mit en défense ; mais l'assassin redoubla et l'abattit d'un coup de pistolet. Au même moment, le reste des conjurés égorgeait le khaznadar et quelques autres dignitaires.

Ouzoun-Ali - Combats et massacres dans la Jenina
Ouzoun était monté sur l'estrade du trône, et criait : " C'est moi qui suis Dey ! Je double la solde ! " A ce moment, le Khodjet el-Kheïl entra dans la salle à la tête des noubadjis, et se précipita sur les rebelles. Leur chef essaya de gagner la rue ; mais, trouvant les portes fermées, il revint audacieusement s'asseoir sur la peau de panthère qui couvrait le siège royal, et y attendit tranquillement la mort. Il y eut quelques heures d'une horrible boucherie ; la légende veut que cinq Deys aient été successivement élus et massacrés ; enfin, les voix se réunirent sur l'Agha des spahis Ali-Melmouli, qu'on était allé chercher à sa maison de campagne, et il fut immédiatement proclamé.

1. Ces réclamations des Algériens contre la présence des chevaliers de Malte français dans les expéditions dirigées contre eux ne cessèrent qu'à la fin du XVIIIe siècle ; il faut convenir, qu'en se plaçant à leur point de vue, ces plaintes étaient fondées, et qu'il leur était difficile d'admettre qu'un souverain avec lequel ils étaient en paix, tolérât que ses sujets prissent les armes contre eux.
2. Lettres de Benoît Lemaire. (Archives de la Chambre de Commerce de Marseille, AA, art. 477.)
3. Lettres de Taitbout. (Archives de la Chambre de Commerce de Marseille, AA, art. 478).
4 Lettres de Jonville (Archives de la Chambre de Commerce de Marseille, AA, art. 479).
5. S'il faut en croire Desfontaines, la brouille entre la France et Tunis, et les fâcheux événements qui en furent la suite, auraient eu un motif bien futile. Le consul, Gautier, excité par une femme avec laquelle il vivait, n'avait pas craint de braver le Bey, en expulsant une Maltaise de mœurs légères, que protégeait un des favoris du souverain. (Voir les Voyages de Desfontaines, Paris, 1838, in-8, p. 243 et suiv.)
6. Lettres de Thomas, (Archives de la Chambre de Commerce de Marseille A A, art. 481.)
7. Lettres d'André-Alexandre Lemaire. (Archives de la Chambre de Commerce de Marseille, AA, art. 482.)

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Mis en ligne le 24 janvier 2012

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