Le Conseil économique et social
LES ASPECTS MATÉRIELS (V)

V - LA SITUATION DES HARKIS

Le Conseil économique et social a abordé ce sujet en décembre 2006 (étude sur La situation sociale des enfants de harkis, rapportée par Mme Hafida Chabi).
Rappelons que la population d'Algérie s'est illustrée par sa présence et son sacrifice dans les deux guerres mondiales du XXe siècle. Il y a eu environ 180 000 appelés d'origine algérienne durant les premières années de la seconde guerre mondiale (1940-1942) par exemple. Parmi eux, beaucoup ont été tués au combat (estimation de l'ordre de 18 % des effectifs). Leur attachement à la France est donc bien antérieur à l'indépendance de l'Algérie.

Pour ces personnes, il a souvent été difficile d'apporter la preuve de leurs biens en Algérie, soit inexistants, soit non reconnus juridiquement ; pourtant, pour les harkis, " un gourbi (habitation traditionnelle) a une valeur, si modeste soit-elle "... Ils ont donc été rapatriés et installés dans des camps, dans des conditions souvent indignes. Ce sont les enfants, y ayant grandi, qui vont en 1975 faire découvrir aux Français cette réalité. Face à cette situation, le Conseil des ministres du 6 août 1975 adopte des mesures d'urgence et à court terme. Les camps de regroupement de Bias et de Saint-Maurice-l'Ardoise sont supprimés à la fin de l'année 1976. Les harkis ont également été regroupés dans 75 chantiers forestiers situés pour l'essentiel dans le Sud-Est de la France, dans les régions du Languedoc-Roussillon et de PACA. En 1973, il existait 40 chantiers pour un effectif de 1 026 employés, en 1985, il en restait 9 qui regroupaient 134 familles.
Enfin, dix-sept ensembles immobiliers urbains ont spécialement été conçus et réservés pour les familles de harkis, notamment près des villes d'Amiens, Bourges, Dreux, Lodève, Louviers, Montpellier.

Peu de harkis ont été concernés par les lois d'indemnisation. Ce n'est que tardivement que trois lois principales ont prévu des aides les concernant :

- en 1987 (loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 dite loi Santini) : le " gourbi " a été estimée forfaitairement à 500 000 francs de l'époque et une allocation de 60 000 francs a été accordée et versée en trois fois ;
- en 1994 (loi n°94-488 du 11 juin 1994 dite loi Romani) : une nouvelle allocation de 110 000 francs est décidée, avec un étalement sur trois ans. Cette allocation était versée aux enfants en cas de décès ;
- en 2005 (loi n° 2005-158 du 23 février 2005 dite loi Mékachéra) : une nouvelle allocation (" allocation de reconnaissance ") de 30 000 euros est consentie, pour solde de tout compte avec toutefois la possibilité de choisir alternativement une rente indexée sur le coût de la vie (2 900 euros par an actuellement) ou un capital de 20 000 euros assorti d'une rente annuelle de 1 900 euros. Les enfants n'en bénéficiaient pas sauf les orphelins qui recevaient 20 000 euros (pour un coût de 50 millions d'euros).

En outre, des aides pour l'acquisition de logements ont été prévues. Le coût cumulé des mesures de ces trois lois peut être évalué à un milliard d'euros. Actuellement, la population des harkis (environ 12 000 familles) est réduite : ces personnes ont plus de 65 ans. Subsistent leurs descendants et notamment leurs enfants arrivés jeunes en France et maintenus plusieurs années durant dans des camps, ce qui a rendu plus délicate leur insertion en France métropolitaine et a pu en tous cas les priver des annuités nécessaires pour obtenir une retraite décente. Il faut toutefois rappeler que, pour partie, les générations des descendants de harkis ont réussi pleinement leur intégration. Il faut donc concentrer les efforts sur le recensement et l'aide ciblée apportée aux jeunes en difficulté, avec un suivi des résultats obtenus en matière d'insertion professionnelle ainsi que le soulignait l'étude du Conseil économique et social rapportée par Mme Chabi.

Des dispositifs de ce type ont été créés localement, à Toulon par exemple avec succès : le taux de placement est de 90 % pour des formations centrées sur les métiers d'assistance à la personne. Cette expérience est intéressante car elle se fonde sur un travail de proximité, inscrit dans la durée et basé sur un accompagnement de la personne et un suivi des résultats. Elle mériterait d'être étendue.
Avant toute considération matérielle, les harkis réclament d'abord la reconnaissance de leur dignité. Ils sont des anciens combattants, des Français à part entière et ils souhaiteraient que leurs enfants bénéficient d'une intégration complète. Beaucoup aimeraient avoir la possibilité de se rendre et de circuler en Algérie, voire de s'y faire enterrer.

Solution proposée

Dans la ligne de l'étude présentée, au nom du Conseil économique et social, par Mme Hafida Chabi, il convient d'abord de faire connaître l'histoire, de rappeler le rôle de l'Armée d'Afrique dans la libération de la France durant la seconde guerre mondiale et ce que nous devons à ces rapatriés. Les intégrer (pour ceux qui restent encore socialement isolés car il existe bien sûr de très belles réussites d'intégration) devrait être une priorité affichée.
Pour cela, il convient de lutter contre toutes les formes de discrimination dont ces Français sont souvent les victimes. En ce qui concerne l'emploi et la formation, des initiatives fortes développées au niveau local, telles celles menées dans le Var par exemple qui visent à former les demandeurs d'emploi, à les accompagner et à créer des synergies entre l'administration et les chefs d'entreprise locaux pour proposer des emplois, doivent être généralisées au niveau national

En tout état de cause, les aides devraient impérativement cesser après la seconde génération. Dans le cadre défini ci-dessus pour l'indemnisation, les harkis bénéficieraient de l'indemnité forfaitaire au même titre que les autres rapatriés.
Enfin, des négociations avec le gouvernement algérien devraient être engagées afin d'obtenir, comme l'ensemble des Français, la liberté de circulation des harkis et de leurs familles, avec visas, et la fin des tracasseries administratives dont ils sont souvent les victimes. Leur permettre de revoir leurs familles, la tombe de leurs parents est clairement prioritaire par rapport aux indemnités éventuelles.

Remarques. Ndlr
1/ Le rapporteur de cet avis semble confondre les anciens combattants de souche Nord Africaine (SNE) et les Harkis.
Les harkas ont été organisées dans les Aurès sous l’impulsion de Jean Servier et en accord avec le Général Parlange qui assure, à partir du 1er mai 1955, le commandement civil et militaire des zones sous état d’urgence. En avril 1956, le ministre résidant en Algérie Robert Lacoste fixe les règles de création et d’organisation des harkas « formations temporaires dont la mission est de participer aux opérations de maintien de l’ordre ».
Les harkis ne sont pas obligatoirement des anciens combattants et inversement.
Ahmed Ben Bella, premier Président de la République algérienne fut ancien combattant de la deuxième guerre mondiale dans le 5e régiment de tirailleurs marocains de la 2e division d'infanterie marocaine (2e DIM). Cela n'en fait pas un Harki pour cela...
2/ Peu de Harkis ont été "rapatriés" par le gouvernement. Ils n'en avaient d'ailleurs pas le titre. Un petit nombre a regagné la France par ses propres moyens et par l'obstination courageuse de leurs officiers métropolitains qui ont transgressé les directives du gouvernement français. Les autres ont été abandonnés à la vindicte des "vainqueurs".
3/Le dernier camp de harkis fut fermé à Montoulieu en 2010
http://www.ladepeche.fr/article/2011/01/11/987250-Montoulieu-Un-page-se-tourne-au-camp-des-harkis-de-Ginabat.html
4/ Ils restent en butte à des discriminations et sont toujours victimes d'une indifférence humiliante. Pour exemple, le cimetière du camp de harkis de Pujol-de-Bosc (Aude) a été vendu par le service des Domaines à un particulier qui a transformé ledit cimetière en verger...
http://forumfrance-en-guerres.xooit.fr/t1743-Le-cimetiere-d-un-camp-de-harkis-vendu.htm
5/ Encore une fois, pour leur libre circulation, " des négociations avec le gouvernement algérien devraient être engagées " L'emploi du conditionnel montre la volonté des gouvernements successifs pour régler cette question vieille de cinquante ans.

Conseil Economique et Social"



Mis en ligne le 08 mai 2011
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