En 1865, dans le cadre de sa politique du " royaume arabe ", Napoléon III promulgue un sénatus-consulte qui permet aux indigènes musulmans et israélites de demander à " jouir des droits de citoyen français " ; l'étranger justifiant de trois années de résidence en Algérie peut bénéficier de la même procédure. Pour la première fois, la pleine nationalité s'ouvre aux indigènes juifs et musulmans. Les trois catégories d'habitants d'Algérie non pleinement français, les 30 000 juifs, les 3 millions de musulmans et les 250 000 étrangers - sont traités séparément mais presque sur le même pied, dans ce droit de la nationalité ad hoc qui s'applique dorénavant en Algérie. Cette égalité formelle entre les trois catégories de " non pleinement Français " est vite rompue, dès 1870, lorsque le statut des juifs est modifié.
Patrick Weil "Qu'est-ce qu'un Français ?" - Grasset 2002

Ce Sénatus-Consulte n'eut pratiquement pas d'écho auprès des populations autochtones qui craignaient une tentative de conversion religieuse. 371 musulmans de 1865 à 1875 et 142 israélites de 1865 à 1870 optèrent pour la naturalisation.
Entre 1865 et 1937 il y eut 4.298 demandes de naturalisations.
Le nombre total des « citoyens français d’origine indigène » et des membres de leurs familles (y compris les enfants de couples mixtes, et ceux d’étrangers musulmans considérés comme Français suivant la loi du 26 juin 1889) ne dépassa jamais 10.000 personnes, sur 10 millions d’Algériens musulmans en 1962.
Guy Pervillé - http://www.miages-djebels.org/spip.php?article206

SENATUS-CONSULTE DU 5 JUILLET 1865
sur l'état des personnes et la naturalisation en Algérie.

ARTICLE PREMIER.
L'indigène musulman est Français ; néanmoins, il continue à être régi par la loi musulmane.
Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français : dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France.
ART. 2.
L'indigène israélite est Français ; néanmoins, il continue à être régi par son statut personnel.
Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français : dans ce cas, il est régi par la loi française.
ART. 3.
L'étranger qui justifie, de trois années de résidence en Algérie, peut être admis à jouir de tous les droits de citoyen français. ART. 4.
La qualité de citoyen français, ne peut être obtenue, conformément aux art. 1,2,3 du présent sénatus-consulte, qu'à l'âge de vingt et un ans accomplis ; elle est conférée par décret impérial rendu en Conseil d'État.
ART. 5.
Un règlement d'administration publique déterminera ;

1° Les conditions d'admission, de service et d'avancement des indigènes musulmans et des indigènes israélites, dans les armées de terre et de mer ;
2° Les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes israélites peuvent être appelés en Algérie ;
3° Les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les art. 1,2 et 3 du présent sénatus-consulte.
Fait au palais des Tuileries, le 14 juillet 1865

Décret d'application de la loi du 14 juillet 1865

N° .14.179. - DÉCRET IMPÉRIAL portant Règlement d'administration publique pour l'exécution du Sénatus-consulte du 14 juillet 1865, sur l'état des Personnes et la Naturalisation en Algérie.

Du 21 Avril 1866
NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir, Salut

Sur le rapport de notre ministre Secrétaire d'état de la guerre ;
Vu le sénatus-consulte du 14 juillet 1865, sur l'état des personnes et la naturalisation en Algérie, et spécialement l'article 5, paragraphes 1 et 2, portant qu'un règlement d'administration publique déterminera :

1° Les conditions d'admission, de service et d'avancement des indigènes musulmans et des indigènes israélites dans les armées de terre et de mer ;
2° Les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes peuvent être appelés en Algérie ;
3° Les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte ;
Notre Conseil d'État entendu,

AVONS DÉCRÉTÉ et DÉCRÉTONS ce qui suit :
TITRE 1er.
ADMISSION, SERVICE ET AVANCEMENT DES INDIGÈNES DE L'ALGÉRIE DANS L'ARMÉE DE TERRE

ART.1er. Les troupes indigènes de l'Algérie font partie de l'Armée Française. Elles comptent dans l'effectif général.

2. Elles se recrutent par des engagements volontaires.

3. Tout indigène peut être admis à contracter un engagement pour un corps indigène, s'il satisfait aux conditions suivantes. Il doit :

1° Être âgé de dix-sept ans au moins et de trente-cinq au plus, et avoir la taille de un mètre cinquante six centimètres au moins ;
2° Être reconnu apte physiquement au service militaire ;
3° Être jugé digne, par sa conduite et sa moralité, de servir dans l'armée française.

4. L'âge est constaté dans les formes usitées en Algérie. L'aptitude physique est reconnue par un des médecins militaires du corps.
La conduite et la moralité sont appréciées, sur le rapport du chef du bureau arabe de la circonscription, par le chef de corps, lequel donne son avis et envoie la demande et les pièces à l'appui au commandant de la subdivision, qui prononce.

5. L'engagement est d'une durée de quatre ans.
Il est reçu par le sous-intendant militaire de la circonscription, en présence d'un interprète et de deux témoins pris parmi les officiers, sous-officiers, caporaux ou brigadiers indigènes.
Il donne droit à une prime dont le montant est fixé chaque année par un arrête du ministre de la guerre, rendu sur la proposition du gouverneur général de l'Algérie, et qui est payable une moitié le jour de l'engagement et l'autre moitié deux ans après.
L'interprète explique les conditions de l'engagement au contractant, qui déclare s'y soumettre et prête serment sur le Coran.

6. Dans le dernier trimestre de la quatrième année de service, l'indigène peut être admis par le conseil d'administration du corps à contracter un rengagement, soit pour un corps indigène, soit pour un corps français.
Ce rengagement est contracté dans les conditions prévues par les articles 11, 12, 13,14, 16, 17 et 18 de la loi du 26 avril 1855, relative à la dotation de l'armée.
Toutefois, une prime spéciale est attribuée à ce rengagement; elle est fixée chaque année par un arrêté du ministre de la guerre, rendu sur la commission supérieure de la dotation.

7. L'avancement des indigènes dans l'armée a lieu exclusivement au choix, en se conformant aux dispositions de la loi du 14 avril 1832, concernant la durée de service exigée dans chaque grade pour pouvoir être promu au grade immédiatement supérieur.

8. Sont applicable aux militaires indigènes :
Le code de justice militaire pour l'armée de terre, et généralement tous les règlements relatifs au service et à la discipline militaires ;
La loi du 19 mars 1834, sur l'état des officiers ;
La loi sur les pensions de l'armée de terre, à la condition toutefois, en ce qui concerne les veuves et les orphelins, que le mariage aura été contracté sous la loi civile française.

TITRE II
ADMISSION, SERVICE ET AVANCEMENT DANS L'ARMÉE DE MER.

R9. Les conditions d'admission, de service et d'avancement des indigènes dans les troupes de la marine et dans les équipages de la flotte sont les mêmes que celles qui sont formulées au titre 1er ci-dessus pour l'armée de terre.
La décision impériale du 25 juin 1864, qui dispense des levées et considère comme en cours de voyage les marins indigènes qui se livrent à la pêche et au cabotage sur les côtes d'Algérie, est maintenue.
Ceux de ces marins indigènes qui veulent servir au titre d'inscrits maritimes doivent se faire immatriculer au port de Toulon.

TITRE III
ADMISSION DANS LES FONCTIONS ET EMPLOIS CIVILS.

10. L'indigène musulman ou israélite, s'il réunit les conditions d'âge et d'aptitude déterminées par les règlements français spéciaux à chaque service; peut être appelé, en Algérie, aux fonctions et emplois de l'ordre civil désignés au tableau annexé au présent décret.
Il n'est admis à des fonctions et emplois autres que ceux prévus à ce tableau qu'à la conditions d'avoir obtenu les droits de citoyens français.
Les indigènes titulaires de fonctions et emplois civils ont droit à la pension de retraite aux conditions, dans les formes et suivant les tarifs qui régissent les fonctionnaires et employés civils en France.
Toutefois, leurs veuves ne sont admises à la pension que si le mariage a été accompli sous la loi civile française.

TITRE IV
DISPOSITIONS CONCERNANT LA NATURALISATION DES INDIGENES.

11. L'Indigène musulman ou israélite qui veut être admis à jouir des droits de citoyen français, conformément au paragraphe 3 des articles 1 et 2 du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, doit se présenter en personne, soit devant le maire de la commune de son domicile, soit devant le chef du bureau arabe de la circonscription dans laquelle il réside, à l'effet de former sa demande et de déclarer qu'il entend être régi par les lois civiles et politiques de la France.
Il est dressé procès-verbal desdites demandes et déclaration.

12. Le maire ou le chef du bureau arabe procèdent d'office à une enquête sur les antécédents et la moralité du demandeur. Le résultat de cette enquête est transmis, avec le procès-verbal contenant la demande, au général comandant la province, qui envoie toutes pièces, avec son avis, au gouverneur général de l'Algérie.

13. Le gouverneur général transmet la demande à notre garde des sceaux, ministre de la justice et des cultes, sur le rapport duquel il est statué par Nous, le Conseil d'État entendu.

14. Si le demandeur est sous les drapeaux, le procès-verbal prescrit par l'article 11 est dressé par le chef de corps ou par l'officier supérieur commandant le détachement auquel il appartient, et transmis au général commandant la province avec,
1° l'état des services du demandeur ;
2° un certificat relatif à sa moralité et à sa conduite.
Les pièces sont adressées par le général commandant la province, avec son avis, au gouverneur général de l'Algérie, pour être ensuite procédé conformément à l'article 13 du présent décret.

TITRE V
DISPOSITIONS CONCERNANT LA NATURALISATION DES ÉTRANGERS RÉSIDANT EN ALGÉRIE.

15. L'étranger résidant en Algérie, qui veut obtenir la qualité de citoyen français, doit former sa demande devant le maire de la commune de son domicile, ou la personne qui en remplit les fonctions dans le lieu de sa résidence. Il lui est donné acte dans un procès-verbal dressé à cet effet.

16. L'étranger dépose, pour être jointe à sa déclaration, les documents propres à établir qu'il réside actuellement en Algérie et depuis trois années au moins.
Cette preuve est faite par des actes officiels et publics ou ayant date certaine, et, à défaut, par un acte de notoriété dressé, sur l'affirmation de quatre témoins, par le juge de paix du lieu.

17. Le temps passé par l'étranger en Algérie sous les drapeaux est compté dans la durée de la résidence légale exigée par l'article précédent.

18. Il est procédé, pour l'instruction de la demande, conformément aux dispositions des articles 12, 13, 14 du présent décret.

TITRE VI
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

19. Les indigènes musulmans et israélites et les étrangers résidant en Algérie ne sont admis à former les demandes énoncées aux articles 11 et 15 du présent décret qu'à l'âge de vingt et un ans accomplis.
Ils doivent justifier de cette condition par un acte de naissance, et, à défaut, par un acte de notoriété dressé, sur l'attestation de quatre témoins, par le juge de paix ou par le cadi du lieu de résidence, s'il s'agit d'un indigène, et par le juge de paix s'il s'agit d'un étranger.

20. Est fixé à un franc, le droit de sceau et d'enregistrement dû par les indigènes et les étrangers admis à jouir des droits de citoyens français, en exécution du sénatus-consulte du 14 juillet 1865.

21. Nos ministres secrétaires d'État de la guerre, de la marine et des colonies, des finances, de la justice et des cultes, et de l'instruction publique, et notre gouverneur de l'Algérie, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois et au Bulletin officiel du gouvernement général de l'Algérie.

Fait au palais des Tuileries, le 21 avril 1866

Signé NAPOLÉON.
Par l'Empereur :
Le Maréchal de France Ministre secrétaire d'État de la guerre
Signé RANDON.
Le Ministre de la marine et des colonies
Signé DE CHASSELOUP-LAUBAT
Le Garde des sceaux, Ministre de la justice et des cultes
Signé J. BAROCHE.
Le Ministre des finances
Signé ACHILLE FOULD.
Le Ministre de l'instruction publique
Signé V. DURUY.

Annexé au décret du 21 avril 1866
Tableau des fonctions et emplois civils auxquels l'indigène musulman ou israélite, qui ne jouit pas des droits de citoyen français, peut être appelé en Algérie.

SERVICE DE LA JUSTICE

Commis greffier et greffier de la cour et des tribunaux. Interprète judiciaire et traducteur. Notaire. Défenseur. Huissier. Commissaire-priseur.

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET MUNICIPALE

Membre d'un conseil général. Commis, sous-chef et chef de bureau de toute classe de préfecture, de sous-préfecture et de commissariat civil. Emplois de tout grade dans le personnel administratif des maisons d'arrêt, des prisons départementales et des pénitenciers. Membre de la commission de surveillance des prisons. Emplois de tout grade dans le personnel administratif des hôpitaux, asiles, orphelinats, dépôts d'ouvriers et autres établissements de bienfaisance. Membre de la commission administrative des hôpitaux. Conseiller municipal. Receveur municipal. Inspecteur, secrétaire de commissariat de police. Administrateur de la caisse d'épargne. Administrateur du mont-de-piété. Administrateur du bureau de bienfaisance. Milicien,sous-officier et officier des milices, jusqu'au grade de capitaine exclusivement. Préposé des octrois. Garde champêtre Garde des eaux.
Et généralement tous les emplois de l'administration générale et de l'administration communale auxquels les préfets et les maires sont autorisés à nommer directement.

TÉLÉGRAPHIE.

Surveillant et stationnaire. Directeur de station.

INSTRUCTION PUBLIQUE.

Membre du conseil académique. Maître; directeur et inspecteurs des écoles arabo-françaises. Titulaire d'une chaire publique d'arabe. Maître d'étude, maître répétiteur et professeur de lycée.

SERVICE DES TRAVAUX PUBLICS.

Commis de toutes, dessinateur et garde-magasin dans les services des ponts et chaussées, des mines et des bâtiments civils. Piqueur et conducteur des ponts et chaussées. Garde-mine. Inspecteur ordinaire des bâtiments civils.

SERVICES FINANCIERS

Commis de tous grades dans les bureaux des services: De l'enregistrement et des domaines, Des contributions, Des douanes, Des postes, Des forêts, De l'administration des tabacs.

POSTES

Distributeur. Facteur et brigadier. Facteur-boitier. Préposé, brigadier et officier du service des douanes, jusqu'au grade de capitaine exclusivement. Garde et brigadier forestier. Géomètre de toute classe dans les services des opérations topographiques.

SERVICE DES PORTS ET DE LA SANTÉ.

Garde-pêche. Pilote. Inspecteurs des quais. Garde et secrétaire de la santé.

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Mis en ligne le 30 juin 2011
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