Présentation

Laurent d'Arvieux

Laurent, chevalier d'Arvieux (1635-1702) fut un voyageur français du XVIIe siècle. Né à Marseille, il voyagea en Syrie, en Palestine, en Arabie. Il étudia les langues et l'histoire des peuples du Levant, et fut nommé envoyé extraordinaire à Constantinople, puis à Tunis, où il délivra 380 esclaves français. Il fut ensuite consul à Alger, puis à Alep.

On connaît essentiellement Laurent d'Arvieux par les Mémoires qu'il a écrites, éditées par J.P. Labat, Révérent Père de l'Ordre des frères Prêcheurs, en 1735. Les Mémoires sont alors sous forme manuscrites lorsque ce dernier entreprend de les faire imprimer et publier avec "Approbation et privilège du Roy" (page de garde des 7 tomes, & annexe tome I).

Né à Marseille, il décide de partir pour les Echelles du Levant à la mort de son père pour relever les finances de sa famille. Il collabore avec ses cousins Messieurs Bertandié, alors en commerce avec la ville de Smyrne (Izmir). Grâce à ces relations, il entreprend un commerce dans l'Empire ottoman, et commence à apprendre les langues orientales (Turc, Arabe, Grec vulgaire). Les rencontres et les amitiés qu'il se créa lors de ses voyages en fait un parfait témoin de la société turque et arabe dans la fin du XVIIè siècle.

Arrivé dans la ville turque de Smyrne en 1659, il découvre la société, les coutumes orientales, et la vie d'orient en général. Il part pour la ville de "Seyde" (Saïda, ou Sidon) en février 1657, en faisant un passage par l'Egypte. Ses Mémoires fournissent de nombreuses anecdotes qui montrent les réseaux entre les marchands et les autorités locales dans ces villes où le commerce est souvent malmené. Le cas du conflit qui oppose les marchands français est une aubaine pour le gouverneur de la ville, qui encaisse pots de vins à la suite pour faire "embarquer" l'un ou l'autre des prétendant au titre de Consul de la ville (protecteur des marchands d'une Echelle). A son arrivée en Syrie (on entend à cette époque la Grande Syrie, comprenant l'actuel Syrie-Liban-Palestine), il continue son commerce, tout en se tissant des liens privilégiés avec les Pachas (littéralement "vice-rois" en turc) et les Emirs de la région, notamment les Emirs Turabay et Dervick (tome III). Ces relations d'amitiés lui servirons lors de conflits opposant les autorités locales aux négociants français, comme par exemple lors de l'expédition du Duc de Beaufort contre les territoires d'Alger, alors sous suzerainté ottomane.

Le séjour qu'il fait dans le camp de Turabay, dans la montagne libanaise, d'Août 1664 Mars 1665, nous fournit une multitude d'informations sur les coutumes arabes, les repas servis, les liens d'amitiés entre les différents élites locales, et également avec les autorités turques. Ce séjour lui apporte également la protection officielle de Turabay, qui lui fournit une lettre prouvant qu'il est effectivement sous sa protection, interdisant à toute personne sous son gouvernement de toucher à Laurent d'Arvieux sous peine de représailles.

Cependant, Laurent d'Arvieux s'assimile parfaitement aux coutumes locales, s'habille "à la turque", porte le turban, boit le café, etc., et parle maintenant parfaitement la langue arabe ainsi que le turc, le grec. Il lui arrive même de se faire prendre pour un local du pays lorsqu'il voyage seul.

En 1665, il retourne en France pour y faire fructifier ses gains commerciaux réalisés lors de ses voyages. A son arrivée, il se voit confier, grâce aux connaissances qu'il a sur le monde arabo-musulman, une mission diplomatique auprès du Day d'Alger pour libérer des otages français.

A son retour, il va à la cour du Roi pour y trouver un emploi. Louis XIV le nomme alors Consul d'Alger, puis d'Alep.

En raison de sa connaissance des mœurs des Turcs, il collabora avec Molière et Lully à l'élaboration du Bourgeois gentilhomme, pièce qui devait, selon le vœu de Louis XIV, présenter des turqueries.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_d%27Arvieux


C'est sous Soliman II le Magnifique (1520-1566) que l'Empire turc atteignit son apogée. Soliman conquit Belgrade, il annexa la presque totalité de la Hongrie et il assiégea Vienne en 1529. Face à l'expansion ottomane, la France joua cavalier seul. Elle s'allia à Soliman contre Charles Quint. C'est ainsi que, en Turquie, les Français obtinrent un statut privilégié par rapport aux autres étrangers et que les relations diplomatiques se calèrent sur " beau fixe ".

Après l'apogée … le déclin. Au cours de XVIIe siècle les sultans perdirent leur pouvoir au profit d'une véritable dynastie de grands vizirs. Au moment où Louis XIV prenait les affaires du royaume de France en mains, Ahmed Köprülü était nommé grand vizir du sultan Mahomet IV.

Bien que toujours intéressé de trouver un contrepoids à l'Empire d'Autriche, Louis XIV sent la nécessité de mettre un frein à l'expansionnisme ottoman. Aussi laisse-t-il des corps expéditionnaires venir en aide à l'Empereur qui défait les Turcs au Saint-Gotthard en 1664. En 1668, le roi de France autorise la constitution de corps de volontaires qui rejoignent les Vénitiens dans la défense de Candie, en Crète…

Les relations entre la France et la Turquie se dégradent. Les ambassadeurs français sur le sol turc commencent à ressentir les effets de cet état des choses, l'immunité diplomatique ne les protège plus…

La Turquie inquiète, la Turquie intrigue mais la Turquie est à la mode. Les sonorités de la langue turque n'étaient pas tout à fait étrangères à Louis XIV, en témoignent les propos du chevalier d'Arvieux. Ce curieux personnage - il s'appelait simplement Arvioux - s'était infiltré à la Cour après avoir passé douze années sous les Échelles du Levant dont il connaissait la langue et les us. On sait que pour divertir le roi il lui arriva de parler turc, ou encore de s'habiller en janissaire pour amuser le Dauphin.

Le 4 août 1669, à Toulon, débarque un envoyé de la Sublime Porte en compagnie d'une vingtaine de personnes de sa suite : Suleiman Aga ; son intention : rétablir des relations diplomatiques courtoises avec " L'Empereur de France ". Néanmoins Suleiman n'est pas prêt de se laisser impressionner par les fastes chrétiens

Est-ce pour cette raison qu'il adopte une attitude rigide se caractérisant par une arrogance et une susceptibilité hors du commun ? Son irascibilité entraîne une réaction naturelle de la part de ses hôtes : on lui infligera le traitement que l'étiquette turque réservait aux ambassadeurs. Il fit antichambre huit heures durant avant d'être reçu par Monsieur de Lionne, Secrétaire aux Affaires étrangères. C'est là que commence une première turquerie : Lionne, revêtu d'une grande tunique à la manière turque, est étendu sur une imposante épaisseur de tapis, d'Arvieux sert d'interprète…

… C'est une mascarade dans laquelle le seul vrai Turc refuse jouer : il ne veut remettre le message diplomatique qu'entre les mains de Louis XIV. Quand le roi, installé sur un trône d'argent, le reçoit, tout est mis en œuvre pour l'écraser de splendeur : " le Roy y paraissait dans toute sa majesté, revêtu d'un brocart d'or, mais tellement couvert de diamants, qu'il semblait qu'il fût environné de lumière, en ayant aussi un chapeau tout brillant, avec un bouquet de plumes des plus magnifiques ". 1

Suleiman resta insensible à cette débauche de luxe vestimentaire et, une fois au dehors, il déclara que le cheval du sultan était plus richement orné de pierreries que l'habit de Louis XIV ! Encombrant personnage ! C'est avec force diplomatie qu'en mai 1670 on lui fit comprendre qu'il était temps de regagner l'Orient.

Comme il le fit les deux années précédentes, Louis XIV décida de passer le début de l'automne au château de Chambord. D'habitude il y était surtout question de chasse, mais en cette année 1670 il tint à offrir un divertissement somptueux à ses proches. Le roi indiqua lui-même le sujet à ses auteurs préférés et demanda à Lully de lui concocter " un ballet turc ridicule " ! Sur ordre royal, Lully, Molière et d'Arvieux se mirent au travail pendant l'été.

D'Arvieux témoigne :

Le roi ; ayant voulu faire un voyage à Chambord pour y prendre le divertissement de la chasse, voulut donner à sa cour celui d'un ballet ; et comme l'idée des Turcs que l'on venait de voir à Paris était encore toute récente, il crut qu'il serait bon de les faire paraître sur la scène. Sa Majesté m'ordonna de me joindre à Messieurs Molière et de Lully pour composer une pièce de Théâtre où l'on pût faire entrer quelque chose des habillements et des manières des Turcs. Je me rendis pour cet effet au Village d'Auteuil, où M. de Molière avait une maison fort jolie. Ce fut là que nous travaillâmes à cette pièce de Théâtre […] Je fus chargé de tout ce qui regardait les habillements et les manières des Turcs 2.

Quelle fut la part exacte d'invention littéraire de d'Arvieux ? Fut-il à l'origine de l'organisation du rituel de la cérémonie turque, du choix de la langue ?
http://philidor.cmbv.fr/jlbweb/jlbWeb?html=cmbv/BurAff&path=/biblio/bur/02/66/266.pdf&ext=pdf

1- D’Arvieux, Mémoires, 1735.
2- idem
Nota : photo tirée de la couverture de l'ouvrage de Régine Goutalier " Le chevalier d'Arvieux: Laurent le Magnifique, un humaniste de belle humeur " - editions-harmattan

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Mis en ligne le 11 janvier 2012

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