Les derniers jours de mai 1958
La messe est dite

20 mai :
A Paris, l'assemblée nationale confirme que l'armée a tous les pouvoirs civils et militaires par 425 voix contre cent.
A Alger, le général Salan déclare que " de toute l'Algérie s'élève un cri de patriotisme et de foi ".

22 mai :
A Paris, entretiens Pinay de Gaulle.

23 mai : A Alger, M Sid Cara et le général Massu élus présidents du Comité Central de Salut Public Algérien.

24 mai :
A Ajaccio, un petit nombre de parachutistes arrivent en Corse et investissent la préfecture d'Ajaccio. Un comité de Salut public y est aussi mis en place. L'opération " Résurrection ", opération de parachutage à Paris, a été prévue pour la nuit du 27 au 28 mai.
La rumeur d'une opération ayant Paris pour objectif se répand. La guerre civile semble menacer..
Le commandant Vitasse, l'organisateur du plan " Résurrection " et Lagaillarde s'envolent à destination de Pau.

A Alger, Soustelle, Delbecque et autres conspirateurs gaullistes dînaient ensemble, Massu avait invité Salan, Jouhaud, Allard, Auboyneau, toute la crème de l'armée française. Ils seront tous très surpris de cette insurrection corse, (ou feront semblant) non organisée par eux, et qui était la première rupture officielle de l'ordre républicain puisque Salan représentait officiellement Pflimlin à Alger, et couvrait tout ce qui s'y passait.
Les manifestations de masse et de fraternisation continuent dans toute l'Algérie.

24 mai :
A Paris, Pierre Pflimlin, président du Conseil s'adresse par radio à la nation :

" J'ai le devoir d'alerter les Français attachés aux libertés que garantissent les lois de la République. Des factieux essaient de nous entraîner sur la pente qui conduit à la guerre civile. Pour conjurer ce péril, il n'est qu'un moyen : c'est de vous rassembler autour du gouvernement qui défendra contre tous les extrémismes, contre tous les adversaires de la liberté, quels qu'ils soient, l'ordre public, la paix civile et l'unité de la Nation et de la République ".

25 mai :
A Alger, des délégations d'européens et de musulmans venues de tous les points d'Algérie, fraternisent sur le " Forum ".
Poursuite des manifestations dans toute l'Algérie, le nom de De gaulle a maintenant partout remplacé celui de Massu ou de Soustelle.
Salan fait parvenir une lettre à De gaulle, l'adjurant de prendre position publique en faveur du mouvement de salut public.

26 mai :
La totalité de la Corse, où les CRS envoyés par Paris pour rétablir la légalité ont rejoint la sédition, se rallie à l'autorité d'Alger, qui pour la deuxième fois de son histoire est la capitale d'une autre France.

Paris - Entrevue de Gaulle, Pierre Pflimlin, président du Conseil, au domicile de M. Bruneau, conservateur du domaine de Saint-Cloud, qui se solde par un désaccord. De Gaulle refusant de désavouer Alger et de condamner la prise d'Ajaccio.

27 mai :
A Paris, malgré l'échec de son entrevue avec Pflimlin, de Gaulle affirme dans un communiqué qu'il entame le processus régulier pour " l'établissement d'un gouvernement républicain ". Stupeur dans la classe politique. Serait-ce un coup d'État ?
Fureur de Pflimlin, qui considérait son entretien avec De gaulle comme purement informatif.
Consternation des autres ministres. Le gouvernement est par ailleurs bombardé de nouvelles faisant état d'une arrivée des paras en métropole et de la révolte des troupes un peu partout.

- Une confiance massive est votée au gouvernement Pflimlin, même par les communistes.

Alger :
Dans la nuit les généraux Salan et Massu donnent au commandant Vitasse le top du déclenchement de " Résurrection " ce sera le 30 mai à 2h30.

Ce même jour le commandant Vitasse, accompagné de Lagaillarde, découvre que les chefs d'état major des trois armes ont décidé de reprendre l'affaire en main, sans prélèvement de troupes d'Alger.
Vitasse refuse cette modification du plan, tout le monde va à l'arbitrage de Debré, Debré arbitre en faveur du plan initial.

28 mai :
A Paris, Pflimlin démissionne ; la quatrième république aura duré 12 ans et consommé 19 premiers ministres, chacun restant en moyenne en poste 7 mois...
A l'appel des partis de gauche et des organisations syndicales, 300.000 à 400.000 personnes manifestent contre de Gaulle.

Le président de la république Coty demande aux présidents de l'assemblée (le Troquer) et au président du sénat (Monnerville) de prendre contact avec De gaulle. Le général de Gaulle rencontre dans la nuit André Le Troquer, président de l'Assemblée nationale et Gaston Monnerville, président du Sénat au domicile de M. Bruneau, conservateur du domaine de Saint-Cloud. L'entretien avec Le Troquer a des allures de vaudeville, Le Troquer hurlant sa rage.
Devant l'hostilité des parlementaires, le général de Gaulle, de retour à Colombey reçoit secrètement quatre officiers venus d'Alger.

Soustelle avait donné à Dulac une lettre de Debré qui prévoit " Résurrection " dans trois cas, refus de l'investiture, investiture mais fortes réactions dans le rue, coup d'état communiste.
Sur le plan politique Dulac rapporte que De Gaulle lui a dit " L'intégration est une chose dont les européens parlent, hé bien, moi, je la ferai. "
Le général Dulac lui présente les grandes lignes de l'opération "résurrection" telle que mises au point avec Debré, qui consiste à faire venir les paras sur Paris. De Gaulle trouve que les moyens sont faibles, Il dit aux officiers en les quittant :
" Dites au général Salan que ce qu'il a fait, ce qu'il fera c'est pour le bien de la France. "

Ces mots sont considérés comme un accord, et Salan commence la mise en œuvre du plan.

29 mai :
A Paris le président de la République René Coty rentre en contact avec le général de Gaulle, par personnes interposées pour " envisager avec lui les conditions dans lesquelles peut-être envisagé le gouvernement de la République ".
19 heures - entretien Coty De Gaulle au palais de l'Elysée.
De Gaulle accepte de former le Gouvernement.
21h 30 - René Coty informe dans une déclaration lue aux deux chambres parlementaires réunies, qu'il a choisi De Gaulle pour succéder à Pflimlin à la présidence du conseil.
Il annonce qu'il démissionnera si l'Assemblée refuse d'investir le général de Gaulle à la tête d'un gouvernement ayant pour mission d'assurer " le salut de la Patrie et de la République " :

" Dans le péril de la Patrie et de la République, je me suis tourné vers le plus illustre des Français, vers celui qui, aux années les plus sombres de notre histoire, fut notre Chef pour la reconquête de la liberté et qui, ayant ainsi réalisé autour de lui l'unanimité nationale, refusa la dictature pour rétablir la République ".
http://www.senat.fr/comptes-rendus-seances/4eme/pdf/1958/05/S19580529_0933_0934.pdf
la motion est acceptée et de Gaulle désigné pour former le gouvernement.
Le général Salan adresse un contre ordre, au commandant Vitasse, pour annuler le déclenchement du plan " résurrection " à l'heure prévue, mais en le laissant en sommeil.

30 mai à Alger :
200 000 personnes manifestent sur le " Forum ".
L'ordre de grève lancé par les syndicats d'enseignant est suivi à 80 %.
- Le général Salan réactive le plan " Résurrection ".
A Paris,De gaulle réunit chez lui, à Colombey les deux églises, tous les leaders politiques français.

31 mai à Paris.
L'Assemblée Nationale accorde la confiance (par 329 voix contre 224), au général De Gaulle.
Le général forme sans attendre un gouvernement de rassemblement avec Guy Mollet, chef de la SFIO (parti socialiste), Antoine Pinay (Centre National des Indépendants, droite), Pierre Pflimlin, MRP (chrétien démocrate), Michel Debré (gaulliste) Soustelle et Bidault en sont exclus...
De Gaulle remercie, puis réclame les pleins pouvoirs pour six mois.

Lors du débat d'investiture du Gouvernement De Gaulle, François Mitterrand déclare :

" En droit le général de Gaulle tiendra son pouvoir de la représentation nationale ; en fait il le détient déjà du coup de force. "

L'opération " résurrection " destinée à porter De gaulle au pouvoir par la force comprenait: Un groupement blindé, quatre compagnies de CRS, un régiment d'infanterie, trois compagnies de Joinville, 200 camions du train. Ils sont chargés de sécuriser les aéroports militaires en région parisienne, le temps que les avions d'Alger arrivent.
A Villacoublay étaient prévus les paras de Mont de Marsan et le troisième RCP d'Algérie.
Au Bourget, les paras de Pau, et le 1er RCP Ces troupes doivent occuper les différents points stratégiques de Paris. Tout est prêt pour la nuit. Le matin, le commandant Nicot, chargé par Salan de coordonner l'affaire, avait exigé que l'on téléphone devant lui (il est rue de Solferino, les bureaux gaullistes parisiens) au général De gaulle, il veut être sûr que ce dernier est d'accord. C'est Lefranc qui appelle, vers onze heures. Il raccroche et déclare à Nicot ; " Le général donne son accord complet pour que l'opération soit déclenchée sans plus attendre. " (Témoignage de Nicot reproduit par Jouhaud dans le livre " serons nous enfin compris ? " Albin Michel 1983).
Pour ne pas attirer l'attention, les avions de transport destinés à amener sur Paris les paras de Pau et de Mont de Marsan décollent trois par trois.
A 16 heures, de Gaulle accepte de former le nouveau gouvernement, les avions de la base d'Orléans qui rejoignaient Pau pour y charger les paras retournent à Orléans.
Contrairement à la légende, " Résurrection " a bien eu un commencement d'exécution.

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Mis en ligne le 04 avril 2015

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