Le lundi 1er novembre 1954, des bombes explosent à Alger, des foyers d'insurrection isolés en Kabylie, en Oranie, dans les Aures, dans le Nord Constantinois, des récoltes incendiées . Une trentaine d'attentats sont signalés. Huit morts et de nombreux blessés sont dénombrés.
Ce fut ce que l'on a appelé : " la toussaint rouge " ; Déclenchement des hostilités qui devaient durer près de huit années.

Les victimes de ce jour furent les premières d'une longue liste. Ce jour là, jour de recueillement chez les chrétiens débuta une guerre qui apportera son lot de souffrances, de luttes fratricides et d'horreurs innommables.
Ce jour là tombèrent sans distinction d'origine ou de religion, des hommes tout simplement.
2 musulmans pro français : Ahmed HAROUK, agent de police à DRA-EL-MIZAN, Ben Hadj SADDOK, caïd de M'CHOUNECHE ; 4 métropolitains Guy MONNEROT, instituteur à TIFELFEL, originaire du LIMOUSIN, le lieutenant DARNAULT et deux canonniers au poste de KHENCHELA, dans l'AURES et un Pieds-Noirs de 19 ans François LAURENT, à LAPASSET en ORANIE.

Symboliquement tout est dit.

" La voix des arabes ", radio propagandiste qui émet du Caire proclame :
" La lutte grandiose pour la liberté, l'arabisme et l'islam a commencé en Algérie "

1er novembre 1954
Lorsque éclate, le 1er novembre 1954, ce qu'il est convenu d'appeler l'insurrection algérienne, l'ethnologue Jean Servier - l'un des plus fins connaisseurs du monde berbère - se trouve parmi les assiégés qui défendent le bourg d'Arris contre les rebelles.
A peine dégagé par les Chasseurs du colonel Blanche, Servier se rend au volant d'un vieux Dodge sur la route de Biskra. Deux jeunes instituteurs, les Monnerot, viennent d'y tomber victimes d'une embuscade.
Simultanément, en divers endroits du territoire algérien, se produisent des attentats similaires. Mais l'épicentre de la rébellion se situe dans les massifs de l'Aurès et les montagnes de Kabylie. Le pays du " peuple de la faim " dont parle Servier dans ses livres.
Paradoxe : le FLN, remarque-t-il, va d'abord recruter là où la plupart des habitants n'ont jamais connu la colonisation ni même côtoyé d'Européens.
Pour l'heure, le Gouverneur général Roger Léonard et le général Paul Cherrière, qui a reçu le 26 octobre le commandement de l'ensemble des forces armées en Algérie, tentent de parer au plus pressé. Mais les mesures de police prises au lendemain de la " Toussaint rouge " s'avèrent à la fois insuffisantes et inefficaces.
Insuffisantes parce que Paris, c'est-à-dire le gouvernement Mendès-France engagé depuis le mois d'août dans un processus de concertation qui lui a fait prendre langue avec Ferhat Abbas, redoute qu'une répression énergique du type de celle conduite en 1945 par le général Duval à Sétif, ne précipite les nationalistes modérés vers les durs du FLN.
Inefficaces et même absurdes dans la mesure où elles frappent le MTLD du vieux Messali Hadj - dissous le 6 novembre - alors que les révoltés sont pour l'essentiel des dissidents du mouvement messaliste jugé trop compromis avec les Français.
Très vite, le terrorisme développe chez les Européens un climat de psychose.
A l'Assemblée algérienne où siègent à parts égales les représentants des deux Collèges, des voix s'élèvent pour réclamer l'état d'urgence. Mendès ne les entend pas, qui ne leur oppose, depuis le Palais-Bourbon, que de simples paroles verbales :
" Les départements de l'Algérie font partie de la République. Entre eux et la métropole, il n'est pas de sécession concevable. Cela doit être clair pour toujours et pour tout le monde... jamais la France, jamais aucun Parlement, jamais aucun gouvernement ne cèderont sur ce principe fondamental. "

Cette conviction dont le caractère pour le moins tranché peut prêter rétrospectivement à sourire reflète cependant assez bien le sentiment de la classe politique, communistes exceptés : s'agissant d'une colonie de peuplement comme l'Algérie, l'abandon ne saurait être envisagé. Reste à trouver la formule qui l'en préserve...

Patrick Buisson

"Algérie française" par Philippe heduy, éditions SPL

31 octobre ?

Et si, comme on le croit depuis le début, la " Toussaint rouge " n'avait pas commencé le 1er novembre 1954, mais le 31 octobre vers 22 h.

D'après certains documents, la première victime de la guerre d'Algérie serait un chauffeur de taxi israélite nommé Samuel Azoulay.
Celui-ci transportait sans le savoir, deux (ou sept ?) clients musulmans qui préparaient le pillage d'un dépôt de munitions situé à Eckmühl, quartier d'Oran.
Le nom de l'assassin, la manière de tuer et le nombre des passagers dans le taxi diffèrent, mais l'événement lui est bien réel.

Cependant un doute subsiste quant au mobile. Le vol de la recette pourrait être aussi le véritable motif ou alors, simplement l'occasion qui à fait le larron et qui ainsi aurait permis de faire d'une pierre deux coups, bien que l'attaque projetée n'ait pas eu lieu.

Alors réalité ou fiction ? Crime crapuleux ou crime terroriste ?
Nous vous présentons les deux versions. Peut être que nos lecteurs pourront trancher en apportant un témoignage complémentaire...

Oran, le 31 Octobre 1954
21 h 30....

Chez Maurice, çà sent l'anisette, chez Maurice, l'ampoule brille au dessus des belotes des taxis en station rue du Cercle Militaire, chez Maurice, les voix et l'accent s'en donnent à coeur joie en cette veille de jour férié, chez Maurice, on espère la recette du lendemain pour Thamasouët, chez Maurice, Samuel lève son verre après avoir lancé " Patron! Remettez çà!", chez Maurice, Samuel à déjà l'anisette aux lèvres...
- Azoulay! Y'a des clients pour toi dans ta voiture!

Du pas de la porte, le " taxi " de faction guette les courses pour ses collègues qui tapent la carte. Samuel pose le verre blanc et traverse la salle en jetant:
- Je reviens dans cinq minutes!
Le veilleur voit la Frégate démarrer et virer à gauche. Abd-el-Kader Brahimi et son compagnon ont indiqué à Samuel la direction de Maraval. Lorsqu'Azoulay arrête la voiture sur l'ordre de son client, il n'aperçoit pas l'arme qui le vise. Brahimi tire trois fois avec son 7,65, et comme le sang gluant n'était pas une garantie de décès, l'autre ombre dans le taxi enfonce son poignard dans le corps flasque jusqu'à la garde. Samuel roule sur la chaussée et les deux assassins foncent avec la recette vers la poudrière d'Eckmülh.
Chez Maurice, il est onze heures et demi lorsque la police débarque pour annoncer la découverte du corps de Samuel et poser des questions.
Georges Clément " Les indésirables " non publié

Oran au rendez-vous. Par F. Boumediène

" Pourtant, ces hommes ont constitué à Oran le noyau d'action du Crua, le Comité de la révolution pour l'unité de l'Algérie créé sous l'impulsion de Ben Boulaïd et Boudiaf qui voulaient par là dépasser la crise entre les centralistes et les Messalistes, qui mènera la première action du déclenchement de la " révolution "au cours de laquelle un juif, chauffeur de taxi de son état, sera tué.
Oran qui était à l'époque la seule ville d'Algérie à majorité européenne, ne pouvait malgré tout rester en marge du déclenchement de la Révolution, qui 7 ans plus tard aboutira à l'indépendance, faisant de cette guerre de décolonisation l'une des plus sanglantes, c'est pour cela que ces hommes méritent aujourd'hui que l'on se rappelle qu'ils ont été aussi de la " première heure " même si cette première action dans la nuit du 31 octobre n'atteindra pas son objectif.
L'opération préparée par le groupe sous la conduite de Benalla Hadj, et qui s'inscrivait dans la stratégie du déclenchement de la Révolution, c'est-à-dire, frapper sur plusieurs points du territoire, visait le pillage d'un dépôt de munitions de la caserne du 66e Régiment des artilleurs algériens basé à Eckmuhl. Pour des raisons encore inconnues, cette attaque, finalement, sera lancée à 22h30 dans la nuit du 31 octobre 1954. Cette nuit-là, les 7 hommes se sont retrouvés aux environs de la " porte ouest de la foire d'Oran ".

Pour seules armes, ils disposaient de 5 pistolets automatiques et deux couteaux ! Leur plan initial prévoyait de s'emparer d'un véhicule pour se rendre au dépôt de munitions où sur place un contrat était censé les attendre pour les aider à s'introduire à l'intérieur du dépôt. Ils devaient y dérober des armes et, avant de prendre la fuite, incendier le dépôt de munitions. Le taxi qui fut pris par le groupe appartenait à un juif, Samuel Azoulai.
À ses côtés, prirent place deux hommes dont le chef de groupe, Cheriet Ali Cherif, arrivé aux environs de l'actuel quartier Boulanger, ce dernier voudra forcer le chauffeur de taxi à quitter son véhicule. Devant son refus, Cheriet Ali l'abat alors de deux coups de feu.
Il est un peu plus de 22 heures à ce moment. Abandonnant le cadavre d'Azoulai sur un chemin, les 7 hommes poursuivent leur route conformément au plan prévu.
Leur progression vers la caserne se fera à pied à travers un terrain d'exercice.
Franchissant la clôture d'enceinte, deux hommes du groupe restent en repli, les autres se rendant au point de rendez-vous avec le contact de l'intérieur qui, ce soir-là en fait, ne se trouvait pas de garde comme convenu. Devant cet impératif, les hommes, après quelques minutes d'hésitation, décident de revenir sur leurs pas sans parvenir à accomplir leur attaque?. "
Liberté-Algérie du 01 novembre 2004
http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=30471

Une insouciance criminelle
Il est coutumier d'entendre que l'insurrection du 1er novembre 1954 serait un coup de force imprévisible qui aurait surpris tout le monde.
En fait, il n'en est rien. La lecture de diverses sources l'atteste.
Nous en produisons une
ci-dessous

" ... A une époque où les milieux officiels ignorent encore tout de la préparation de la sanglante insurrection du 1er novembre 1954. On se berce d'illusions: l'opposition algérienne connue, répertoriée, comporte un certain nombre de leaders politiques chevronnés, poursuivant des buts légaux, tacticiens parlementaires ou chefs de mouvements plus ou moins tolérés, tel le fameux Messali Hadj, dont le Mouvement pour le Triomphe des Libertés démocratiques (M.T.L.D.) tranche, par son agressivité, sa violence sous-jacente, sur d'autres groupements anti-français.
En janvier 1954, mon attention est attirée par un incident étrange qui a pour cadre la région qe Tizi-Ouzou. Depuis plusieurs semaines, la gendarmerie a vent de l'activité fiévreuse d'un militant messaliste du nom de Mohammed Achachi. Le personnage, agitateur notoire, se répand dans les douars de la commune de Tigzirt en vendant l'Algérie libre, une feuille illégale imprimée à Paris et acheminée clandestinement dans les départements algériens.
Se sentant surveillé, Achachi disparaît. Une perquisition à son domicile, le 2 janvier, s'avère plus que décevante. Agacé, obstiné, l'adjudant-chef Debiesse, chargé de l'opération, tourne autour de la maison, tombe en arrêt, à quelques mètres de là, devant la source où Achachi a l'habitude de faire boire ses bêtes. Là, Debiesse est intrigué par trois ruches, alignées dans un renfoncement, comme si elles étaient destinées à masquer quelque chose. L'adjudant-chef tire à lui le rucher et découvre effectivement, derrière, l'entrée d'une grotte. On ne peut s'y engager qu'en rampant. C'est ce que fait Debiesse qui, au bout de trois mètres de ténèbres, débouche dans une sorte de caverne où se tapit l'homme qu'il recherche : Achachi.
Dans un coin de la grotte, les gendarmes mettent la main sur le " trésor " du messaliste : un vieux fusil et un paquet de documents manuscrits, enveloppés dans une toile d'emballage. Achachi tenait-il son journal ? Non, il se trouve que toutes ces feuilles, arrachées à des carnets, portent les écritures les plus diverses. Très vite, les enquêteurs s'aperçoivent avec stupeur qu'il s'agit de rapports et de comptes rendus, rédigés par de mystérieux " chefs de secteur ", à l'intention d'un non moins mystérieux Si Ahmed, qui semble bien être le responsable d'une vaste organisation clandestine non identifiée, dotée de structures paramilitaires. Certaines notations donnent à penser que ce réseau dispose de ramifications et de complicités étendues en métropole.
Dès réception d'un premier rapport sur l'affaire, je déclenche une " Opération Sirocco " à Paris et en province. Chez l'un des leaders messalistes arrêtés, Tayeb Boulahrouf - un des futurs négociateurs d'Evian - on saisira le brouillon d'un télégramme envoyé au Caire pour une demande de fonds. Ainsi, en partant de la grotte de Tizi-Ouzou, allons-nous de surprise en surprise et voyons-nous se tisser un réseau de subversion bénéficiant d'une aide étrangère. Il se prépare quelque chose de grave, les documents dont nous nous sommes emparés en métropole l'attestent. On y parle des différentes phases de l'action révolutionnaire algérienne, de " l'agitation propagande " à la révolte armée. Nous sommes loin, dès lors, d'un parti politique traditionnel ou d'un mouvement de contestation populaire. Ce qui se forme, dans l'ombre, c'est une véritable armée secrète, avec son état-major, ses willayas (régions), ses kasmas (districts). Il me manque encore de pouvoir mettre des noms sur les chefs inconnus de l'organisation.
J'ai ma petite idée sur la méthode à suivre. J'envoie, à Tizi-Ouzou, deux commissaires de la D.S.T. porteurs de deux grosses valises contenant le double des documents saisis en métropole. Il leur échoit la tâche de comparer nos trouvailles avec les papiers récupérés dans la grotte d'Achachi. Mais, surtout, ils ont pour mission de rassembler tous les responsables messalistes de la région et de les soumettre à un test graphologique. Une simple dictée. Chacun fera une page d'écriture qui sera comparée avec les rapports des " chefs de secteur " anonymes de la rébellion. Mon souci essentiel étant évidemment d'identifier le numéro un de l'organisation, Si Ahmed.
Nous percerons son anonymat par hasard. Un notable algérien, voyant un jour l'écriture de Si Ahmed s'écriera sans connaître les véritables motifs de notre enquête
" Tiens, je crois reconnaître la patte d'un garçon qui travaillait autrefois comme expéditionnaire à la commune mixte de Dra-el-Mizan. Il tenait les registres de l'état civil. Vous n'avez qu'à vérifier. Il s'appelle Krim Belkacem "

Un nom qui ne nous dit pas grand-chose, pas davantage que n'éveillent en nous la moindre résonance les noms de Ben Bella, Mohammed Khider, Ait Ahmed, correspondants obscurs de Krim Belkacem au Caire.
Entre le 20 et le 25 mars 1954, je cherche à étendre mon " Opération Sirocco " à toute l'Algérie, avec une série de perquisitions, de contrôles, d'arrestations menées avec le concours des polices locales. Mais il me faut au préalable obtenir le feu vert des doyens des juges d'instruction d'Alger, d'Oran et de Constantine, ce qui va déclencher des palabres à n'en plus finir. Le procureur d'Alger, Paul Susini, commence par s'opposer aux investigations des policiers. On m'affirmera plus tard qu'il est ulcéré de ne pas avoir été consulté sur les perquisitions effectuées en France. Quant au gouverneur général Roger Léonard, homme que l'on dit sage mais dont l'esprit de prudence me paraît confiner à la pusillanimité, il s'écrie : " Je m'oppose à cette opération ! Vous allez mettre le pays à feu et à sang ! " Finalement, contre vents et marées, " Sirocco " se déroule en Algérie, moissonne un nombre considérable de données et de documents qui rendront possible la rédaction de mon premier rapport sur la naissance d'un mouvement clandestin algérien, décidé à passer à l'action directe, encore inconnu du pouvoir, le Comité révolutionnaire pour l'Unité et l'Action (C.R.U.A.), en liaison avec l'Egypte nassérienne, composée essentiellement de jeunes loups impatients, bousculant les vieux militants messalistes jugés trop légalistes et attentistes. Ce C.R.U.A. qui, après le 1er novembre 1954, prendra le nom de F.LN. Le danger qui menace, je ne le décris pas en termes vagues, mais avec des précisions qui devraient inciter à la réflexion et à la prise de mesures préventives. Non seulement je livre tout un organigramme de la rébellion qui se prépare, mais je révèle déjà, par le menu, dès mars 1954, l'organisation de la fameuse Willaya III de Krim Belkacem qui sera, dans les premiers temps, le fer de lance de la révolte.
Que me répondra-t-on ? Refusant de prendre mon rapport au sérieux, le gouverneur général Léonard dira:
" Je trouve Wybot beaucoup trop alarmiste ! De tout ce qu'il raconte, je ne crois pas un mot ".
D'autres chuchoteront que c'est encore un coup de la D.S.T. qui ne sait plus qu'inventer pour se mettre en valeur.
Le 1er novembre 1954, un dimanche, c'est la stupeur : des bombes explosent à Alger, des gendarmeries et des casernes, attaquées, des récoltes incendiées, des troubles en Kabylie, Oranie, dans la Mitidja et le Nord Constantinois, une insurrection dans les Aurès. Ce n'est plus du terrorisme isolé, mais une flambée concertée, le signal d'une action de longue haleine, fanatique, minutieusement préparée à l'abri de l'indifférence et de l'inconscience officielles. Le C.R.U.A. vient de frapper.
Mitterrand, ministre de l'Intérieur, me fait téléphoner aussitôt, ce jour-là, par son directeur de cabinet adjoint, Jean-Paul Martin, qui se lance dans une longue tirade accusatrice :
" Vous savez ce qui se passe en Algérie ? C'est proprement incroyable ! Des éléments étrangers, venus de l'extérieur, viennent d'y débarquer pour fomenter des troubles et provoquer une véritable rébellion. C'est absolument inadmissible ! Comment se fait-il que vous n'ayez pas prévu cette action étrangère ? La D.S.T. n'a pas fait son travail. "
Je le laisse parler sans l'interrompre puis, lorsqu'il arrive au bout de son discours indigné, je réplique froidement :
" J'ai le sentiment d'un léger malentendu. Tout d'abord, pour ma part, je ne crois pas à une intervention étrangère. L'explication est trop commode. Que des fonds, des armes, soient parvenus d'ailleurs, c'est probable. Mais c'est en Algérie même que le mouvement de révolte s'est développé, structuré, entraîné. Ce n'est pas Le Caire qui est passé à l'action, mais le C.R.U.A.
A ce propos, je vous suggère de vous reporter à mon rapport de mars 1954. Tout ce qui arrive aujourd'hui y était annoncé, les chefs de la rébellion nommés, les effectifs, méthodes, intentions, plans analysés. Ce document complet, il est sur le bureau du ministre de l'Intérieur depuis cinq mois. Le gouvernement a changé mais ce rapport, j'ai rappelé son existence en juillet. Ce n'est pas ma faute si vous n'en avez rien fait et si vous ne savez même pas ce qu'il y a dedans !
"
Roger Wybot et la bataille pour la D.S.T. Philippe Bernet, editions Presses de la Cité.

Sept mois avant le déclenchement des attentats de la toussaint, les gouvernements en place, pouvaient tuer dans l'oeuf ce mouvement terroriste. Mais leurs incrédulités respectives, alliées à une bonne dose de suffisance et de légèreté s'opposeront à une prise en main énergique et capitale pour la suite. Ce rapport se perdra dans les méandres de l'administration française bien insouciante, jusqu'au coup de tonnerre du 1er novembre.

Le 1er novembre 1954

à 7h15 du matin, sur la route nationale au Km 77.
Un vieux bus Citroën gravit péniblement les gorges sauvages de Tighanimine, sur la route entre Biskra et Arris. Au milieu des paysans qui se rendent au marché, se trouvent le caïd de M'chounèche, Hadj Sadok ancien officier de l'armée française, et un couple d'instituteurs européens de Limoges, M. et Mme Monnerot. Jeunes mariés, ils étaient en Algérie depuis moins d'un mois à Tifelfel.
Des hommes se réclamant de l'Armée de Libération Nationale bloquent la route, arrètent le car et intiment au caïd et au couple de descendre.
Suite à l'altercation des assaillants et du caïd, une rafale fauche les trois désignés.
Elle atteint le Caïd en plein ventre, Guy Monnerot 23 ans est touché à la poitrine, sa femme 21 ans est atteinte à la hanche. Elle seule survivra. Le corps du Caïd est hissé dans le car, les deux jeunes instituteurs français sont traînés sur le bord de la route et abandonnés. C'est trois victimes seront les premières officielles de la guerre d'Algérie qui ne fait que commencer.

Le premier mort

A Cassaigne (Mostaganem) Le coup de feu est tiré à 23h
Par Mustapha Mohammedi
La ville de Cassaigne porte désormais son nom : Benabdelmalek Ramdane. Histoire d’une grande figure de la Révolution.

Lorsque Larbi Ben M’hidi envoya le jeune Ramdane dans la région de Mostaganem en 1953, c’était dans l’esprit du leader de la Révolution, pour préparer et prendre en main des militants restés trop longtemps dans l’anonymat et qui piaffèrent d’impatience pour passer à l’action. Le 29 octobre 1954, Benabdelmalek Ramdane, qui était le seul à connaître la date du déclenchement de la Révolution, réunit au douar Ouled Abid près du port de Ourlis l’ensemble de ses hommes. Huit, pas plus. Objectif : attaquer et détruire la petite gendarmerie de Cassaigne et prendre toutes les armes.
La tactique de Ramdane était simple : placer un demi-groupe à Ourlis pour faire le guet, poster un autre demi-groupe au sud- est de la brigade de Cassaigne avec des éléments aguerris tels que M’hendel, Bouknine et Chorfia et enfin un autre demi-groupe à l’ouest de la cible avec des hommes décidés tels que Tayeb, le frère de Bouknine, Tahar Ahmed et Belhadj. Il est 23 heures et deux Européens, Laurent François et Mendes Jean-François rentrent de Mostaganem, le chef-lieu où ils ont dansé une bonne partie de la soirée. Sitôt dépassés le phare du cap Ourlis, exactement au niveau de la ferme Mansenegrot, les deux noctambules se font accrocher par le groupe. Laurent François et Mendes sont légèrement blessés. Il est 23 h 15 et la Révolution, officiellement, n’a pas encore été déclenchée. Les deux colons qui devaient servir d’appât n’auront qu’une seule idée en tête à ce moment-là : prévenir la gendarmerie de Cassaigne et alerter les autorités, chose que les insurgés voulaient à tout prix. Et c’est ainsi que quelques minutes avant minuit, les deux rescapés tout excités et tout tremblant vinrent sonner à la porte de la brigade légèrement éclairée par une lumière blafarde. Mais il faut croire que les gendarmes avaient le sommeil lourd. Même le vacarme d’un chien déchaîné aboyant rageusement dans la cour ne les réveillera pas. Une cuite à l’anisette a dû certainement les assommer. Perdant patience et ne voyant ni la porte ni le portail métallique s’ouvrir, les deux demi-groupes qui avaient pris l’institution en tenaille ne résistèrent pas alors à faire le coup de feu et à tirer en direction des colons.
Une première balle s’intercala dans une meurtrière, une seconde rafla la porte mais la troisième eu raison de Laurent François qui la recevra en pleine nuque. Il sera tué sur-le-champ. Quant à Mendes, il s’affaissera touché par une balle. À minuit passé, le groupe se dispersera pour se fondre dans la nature. D’autres moudjahidine, tout de suite après, prendront la relève. Mais le signal était désormais donné. La Révolution venait d’ouvrir la marche et faisait ses premiers pas. Certes, l’attaque concertée d’une petite brigade de gendarmerie sur une côte déserte du Dahra n’a en soi rien d’épique d’autant que les pauvres attaquants n’étaient armés que de simples fusils mais elle marquait, par son incroyable impact, un tournant dans l’Histoire du pays. L’administration coloniale en était si consciente qu’elle tentera, par le biais d’une justice expéditive, de frapper l’imagination avec les verdicts disproportionnés. Après une cavale qui n’aura duré que quelques semaines, tout le réseau de Cassaigne sera appréhendé et arrêté... Le 23 juillet 1955, un important service d’ordre prenait place autour du tribunal de Mostaganem transformé pour la circonstance en assises. Le commissaire Certel Chebot en personne supervisait le rituel.
À 8h30, la famille Laurent, les traits tirés et visiblement écrasée par la peine, prenait place au premier rang. M. Albertili, un conseiller de la Cour d’appel d’Alger fera office de président, il sera assisté par deux juges Mebo et Fyband et le ministère public sera représenté par M. Geoffroy. Le tribunal se paiera même le luxe de deux interprètes : Tahalaiti et Mekki.
Dans l’acte d’accusation qui sera lu à la cour, les éléments du groupe de Benabdelmalek Ramdane seront traités tantôt de bandits, tantôt de terroristes mais pas encore de “fellagas”. Il était évident que quelque furent la véhémence, l’éloquence ou les effets de manche des avocats, le groupe était sûr de servir d’exemple et il ne se faisait aucune illusion quant à son sort. C’était si vrai que la cour mettra à peine une demi-heure pour donner son verdict. Et à ce propos, ces assises-là ne feront pas dans la dentelle. Cinq peines capitales seront prononcées contre les hommes qui ont tiré sur Laurent François et Mendez et le portail de la gendarmerie, une peine de travaux forcés à perpétuité, une peine de 20 ans de réclusion et deux peines de 3 et 5 ans de prison ferme. Benabdelmalek Ramdane, selon nos sources, ne sera pas pris vivant. Il sera tué au cours d’un accrochage... le 1er novembre.

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=30470
d'après : " la Seybouse " http://piednoir.net/bone/titre_rubrique/infos_diverses/mise_a_jour/maj12.html

Félicitations !!

« A l’occasion du 1er Novembre, j’ai le plaisir de vous adresser à vous-même ainsi qu’au peuple algérien mes vœux très sincères et amicaux ».
« En cette année du cinquantenaire de l’indépendance algérienne, je me réjouis de la vigueur renouvelée de nos relations qui se manifeste à travers les nombreux domaines dans lesquels coopèrent nos deux pays ».

Monsieur François Hollande, Président de la République Française à Monsieur Abdellaziz Bouteflika Président de la République algérienne.

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Mis en ligne le 2 novembre 2012

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