L'aérogare de Maison-Blanche

Dans l'aérogare de Maison-Blanche, c'est le caravansérail. Il est difficile de traverser le hall tant les groupes sont serrés les uns contre les autres. Près d'un millier d'hommes, de femmes, d'enfants attendent anxieux, angoissés. L'atmosphère est lourde de fumée, d'odeur de transpiration, de victuailles aussi. Certaines familles campent ici depuis plusieurs jours sans pouvoir quitter l'aéroport faute d'avions assez nombreux. Les hommes font queue, interminablement, devant des guichets qui n'ouvrent que par intermittence.
Les femmes attendent près des gosses, découragées. Les sièges ont été pris d'assaut. On s'assoit maintenant à même le carrelage souillé de mégots, de peaux de saucisson, de vieux papiers. Plus rien n'a d'importance si ce n'est fuir. Vite, à tout prix. C'est la foule lasse et vaincue des grands exodes. Des hôtesses, des infirmières de la Croix-Rouge aident les mères des tout-petits à préparer un biberon. Un bébé c'est un passeport pour la famille. Elle aura priorité pour la Caravelle. Priorité pour la France !
Un des canapés de cuir rouge de la salle d'attente sert de foyer à toute une famille. La mère tient un bébé dans les bras, des mèches tombent en paquets sur son visage brun. Elle a parfois un geste pour les écarter. Trois autres gosses, deux garçons, blue-jeans et souliers de tennis, et une fille avec un gros nœud bleu dans les cheveux, jouent autour d'une vieille dame vêtue de noir. La grand-mère sans doute. Elle semble dormir, la main posée sur un amoncellement de valises, de paquets ficelés, de couffins débordants.
Le père reste debout près d'eux. Il n'a pas quarante ans. Il fume à petits coups, nerveusement. Il veille. Mais il n'est plus le protecteur de la famille. L'homme fort. On lit le désarroi sur son visage comme sur celui de tous les hommes qui fuient, qui abandonnent tout. Il est aux petits soins pour sa femme. Mais il ne sait que faire. Son seul désir ? Prendre l'avion le plus vite possible. Pour Paris. Pour Lyon. Pour Marseille. Qu'importe le lieu ? Il ne connaît personne en France. Ils sont des dizaines de milliers comme lui à attendre, ce soir, en Algérie.

http://www.histoire-en-questions.fr/guerre%20algerie/oas-exode-maison-blanchel.html

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Mis en ligne le 21 juillet 2010

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