Au début de l'hiver 1959, les pluies torrentielles viennent remplir pour la première fois le nouveau barrage de Malpasset, en amont de Fréjus, dans le département du Var. Lorsque celui-ci cède soudainement, le 2 décembre à 21h13, près de 50 millions de mètres cubes d'eau déferlent en une vague de 40 mètres de haut dans la vallée du Reyran à 70 km/h, ravageant tout jusqu'à la mer. C'est la plus grande catastrophe de ce genre qui ait jamais touché la France...

Dans la vallée du Reyran, en quelques secondes, 53 maisons sont détruites. Il y a déjà près de 120 morts. Sept minutes après la rupture du barrage, plusieurs millions de mètres cubes d'eau et de boue envahissent les quartiers ouest de Fréjus et se répandent dans la plaine...

Dix secondes après son passage en gare de Fréjus, la déferlante arrache la voie ferrée sur 2,5 km. Dix minutes après la rupture du barrage, la vague atteint le centre de Fréjus totalement privé d'électricité et de téléphone depuis déjà dix minutes, lorsque les deux centrales ont été emportées par les eaux..., la vague emporte tout sur son passage. Les habitants qui le peuvent encore fuient. Les autres ne s'en sortiront pas...

Un quart d'heure après l'explosion du barrage, la vague a atteint la mer. Elle n'a plus qu'une hauteur de 2 mètres mais balaie encore une demi-douzaine d'avions de la base aéronavale. A 21 h 40, la vague s'est perdue dans la mer, charriant toutes sortes de débris et des dizaines de cadavres.
Les appareils enregistreurs de l'EDF ont fixé la chronologie du drame : 21h13 pour la rupture de la ligne alimentant le transformateur situé près du barrage et 21h34 pour la rupture de la ligne passant à l'entrée de Fréjus. La vague a donc mis 21 minutes pour semer la mort dans la vallée du Reyran.

Le plan ORSEC - plan d'organisation des secours - est immédiatement déclenché. Les militaires des bases locales ainsi que des hélicoptères de l'armée américaine basés dans les environs s'occupent de porter secours aux survivants, mais aussi de dégager les corps des victimes. Le général de Gaulle, président de la République, venu sur place quelques jours plus tard, découvre une zone totalement sinistrée. La catastrophe a fait 423 victimes. Par ailleurs, la voie ferrée est détruite, 50 fermes sont soufflées, 1000 moutons sont morts et 80.000 hectolitres de vin sont perdus.

Considérations techniques

Les barrages-voûtes sont réputés pour leur exceptionnelle solidité, la poussée de l'eau ne faisant que renforcer leur résistance. Malgré la très faible épaisseur du barrage de Malpasset : 6,78 m à la base et 1,50 m à la crête, ce qui en fait le barrage le plus mince d'Europe, la voûte elle-même est entièrement hors de cause. Mais ce type d'ouvrage doit s'appuyer solidement sur le rocher, ce qui n'était apparemment pas le cas à Malpasset. Certes, la roche, quoique de qualité médiocre, était suffisamment solide, en théorie, pour résister à la poussée. Mais une série de failles sous le côté gauche du barrage, " ni décelées, ni soupçonnées " pendant les travaux de prospection, selon le rapport des experts, faisait qu'à cet endroit la voûte ne reposait pas sur une roche homogène. Le 2 décembre 1959, le rocher situé sous la rive gauche a littéralement " sauté comme un bouchon ", et le barrage s'est ouvert comme une porte...
http://www.transenprovence.org/article-18201758.html

Le 22 janvier 2013, un documentaire allemand projeté sur la 7 a affirmé que l'accident du barrage de Malpasset était dû à un attentat du FLN. Il fit 423 morts dans la population française. Le journaliste était assez affirmatif.

" Du point de vue français, il y a un problème de confiance manifeste, parce que les services secrets allemands sont au courant de tous les attentats terroristes perpétrés par l'ALN en Afrique du Nord mais ausii sur le sol français.
Un exemple particulièrement frappant est celui de Fréjus. (situé sur la rivière Reyran, à 10 km en amont de Fréjus (Var), ndlr) En décembre 1959, un barrage cède lors d'une tempête.
L'eau que déferle sur la ville coutera la vie à 412 personnes. Aujourd'hui encore, il s'agit d'un accident. En réalité, ce sont des terroristes du FLN qui ont fait sauter le barrage.
Les services de renseignement allemands savaient où et quand cet attentat aurait lieu. Mais ils n'ont pas prévenu leurs homologues français.
Une fois de plus, c'est l'agent Richard CHRISTMANN (1) qui a vent de l'attentat que le FLN prépare à Fréjus et qui prévient ses supérieurs.
Aujourd'hui encore, on ignore pourquoi les services secrets allemands ont gardé l'information pour eux, provoquant des centaines de victimes.

" Le long chemin vers l'amitié - En route vers le traité de l'Élysée ", documentaire historique de Michael Mueller et Peter F. Müller (Allemagne, 2012, diffusé par Arte le 22 janvier 2013). Consacré aux difficiles relations politiques de la France et de l'Allemagne de 1945 à 1963, ce film évoque les contacts du FLN algérien avec la Police secrète de la RDA et l'aide apportée au FLN par la RFA et la RDA (fourniture de matériel militaire). L'historien allemand Erich Schmidt-Eenboom y indique que les documents de la Stasi font état d'un projet d'attentat du FLN contre le barrage de Malpasset, attentat qui eut pour résultat la catastrophe de Fréjus.

(1) Richard Christmann né le 13 novembre 1905, à Montigny-les-Metz , mort en 1989).
Fondé en 1956, le Service fédéral de renseignement (BND) et son prédécesseur, l'Organisation Gehlen recrute dans les années 1950, beaucoup de personnels qui ont travaillé pour le Troisième Reich, la Gestapo, les SS et l'intelligence militaire.
Elle comprenait le Lorrain Richard Christmann, agent double de la Wehrmacht aux Pays-Bas pendant la guerre et probablement l'espion le plus remarquable dans le Paris occupé.
En 1954, il est rentré dans la " business intelligence " et agi pour l'organisation Gehlen dans la Sarre à la propagande et à la formation de groupes pro-allemands au sabotage.
De 1956 à 1961 utilisé comme résident BND à Tunis, il s'est opposé, entre autres, la politique de réconciliation officielle franco-allemande. Il a apporté une aide ciblée au FLN mouvement pour l'indépendance algérienne contre la France


Le drame du barrage de Malpasset/Fréjus en 1959 : simple accident ou attentat du FLN ?

Voici quatre documents que M. Erich Schmidt-Eenboom, directeur du Forschungsinstitut für Friedenspolitik à Weilheim (Bavière) et un des principaux acteurs dans le documentaire en question a mis à notre disposition et que nous vous proposons donc en version allemande et en traduction française.
Ces documents émanent :

- Des renseignements généraux est-allemands, la Stasi (Staatsministerium für Innere Sicherheit) - Du tapuscrit des Mémoires de l'agent des services secrets ouest-allemands, le BND (Bundesnachrichtendienst), Richard CHRISTMANN (nom d'emprunt "Markus"). Selon M. Schmidt-Eenboom, ce tapuscrit inédit aurait été rédigé au début des années 70.

À vous de juger…

Document n° 1
: Il s'agit d'un rapport officiel de la Stasi ("Blatt 2 zu Formblatt 37018"), non daté et signé par un collaborateur de la section XI, dans lequel plusieurs noms de personnes encore vivantes ont été supprimés (= ???) pour ne pas les compromettre.
Ce document (BStU 000023) est également disponible auprès de la BStU (= Behörde des Bundesbeauftragten für die Stasi-Unterlagen) à Berlin. […] ??? signale que C h r i s t m a n n de Tunis lui a rendu visite à Brême. Il n'y a plus aucun doute sur le fait que C h r i s t m a n n est à la recherche de formateurs experts en explosifs allemands pour l'armée de libération en Algérie. Il a avoué ce fait sans ambages à ??? et a réitéré sa demande de l'aider à trouver de tels experts.

[…] teilt mit, daß C h r i s t m a n n aus Tunis ihn in Bremen besucht hat. Es besteht kein Zweifel mehr, daß C h r i s t m a n n für die Freiheitsarmee in Algerien deutsche Sprengstoffausbilder sucht. Er hat dies offen gegenüber zugegeben und ihn erneut gebeten, bei der Suche nach derartigen Fachleuten behilflich zu sein.
Document n° 2
Il s'agit d'un rapport de Richard Christmann signé par "ton vieux Markus" [= Christmann] 206 25/08/58, le soir Lb. H. - Vu les conclusions d'hier et d'aujourd'hui, ma proposition 182.L. du 20 juin est d'actualité.
B.) - Dès qu'une certaine accalmie interviendra, on s'attaquera aux projets "centrale hydroélectrique" et "barrage". Par ailleurs, le niveau de l'eau sera plus favorable dans quelques mois. […].

Document n° 3
Extraits du tapuscrit des Mémoires de Richard Christmann :
Programme des actions de sabotage de l'ALN/du FLN (1959/61)
[…]. 3. Dynamitage de barrages moyennant des charges explosives déclenchées à air comprimé, éventuellement aussi de manière téléguidée.2
[…] Toutes les mesures citées ci-dessus (et bien d'autres aussi) devraient servir à terroriser la population. On ne s'attendait pas à en tirer un avantage sur le plan militaire.
[…]

2 M. Schmidt-Eenboom nous a signalé que lors d'une de ses conférences, un auditeur lui aurait expliqué que cette méthode avait été utilisée pour laisser moins de traces tout en précisant que les membres du FLN avaient été formés par de véritables spécialistes en la matière.
[Précisions n° 3 :] Après qu'un attentat contre un petit barrage dans le sud de la France n'avait rencontré qu'un succès partiel, bien qu'il ait provoqué la mort de beaucoup de personnes, toutes les autres actions terroristes furent stoppées sur ordre du groupe autour de Ben Bella qui, à l'époque, était encore incarcéré. Cet ordre de stopper les actions fut transmis par l'avocat parisien de Ben Bella, le nom, l'adresse etc. sont connus du BND. - Le groupe radical de l'ALN/FLN autour de Boumedienne, Chabou3 et Hofmann n'était pas d'accord avec la cessation de ces sabotages.4


Document n° 4
Extraits du tapuscrit des Mémoires de Richard Christmann :
Les Algériens formés à l'époque par le BKA5 ont été engagés par la suite dans la lutte et l'infiltration de groupes favorables à Ben Bella dans le pays. Moi-même, j'ai été enlevé dans des conditions dramatiques par le gouvernement de Boumedienne et extradé par la suite. Cependant mes rapports avec le groupe de Ben Bella en Algérie n'ont pas été interrompus.
[…]. Il y a environ 3 semaines, j'ai reçu un message via Paris selon lequel début septembre, au moins deux fonctionnaires algériens appartenant au groupe des personnes formées à l'époque par le BKA et pourvus de passeports officiels (des passeports diplomatiques ???) se seraient rendus en Europe pour nouer des contacts avec "la résistance allemande" (je suppose qu'il s'agit de la RAF6). - Il s'agirait de spécialistes du contre-sabotage (donc aussi pour des "actes de sabotage" !!!). Auparavant, ces personnes auraient formé à leur tour des bédouins algériens, camouflés en "Polisario", dans le territoire de l'ERG IGUIDI, près de la frontière mauritanienne.

3 Christmann signale en bas du document n° 4 que le colonel Chabou, proche collaborateur de Boumedienne et mort lors d'un acte de sabotage, était marié à une communiste allemande, Johanna Schramm, originaire de Tübingen et bien connue des services secrets allemands (ALA 38 ou JOTA). Elle aurait haï le gouvernement allemand parce qu'on l'aurait traitée de "gonzesse arabe" ("Araberweib").
4 Dans le document n° 3, Christmann signale également que les services secrets allemands furent toujours informés des plans et des préparatifs du FLN concernant les actes de sabotage contre des raffineries et des dépôts de munitions en France au préalable ("B.N.D. wurde über die Vorbereitungen, Pläne usw. stets vorab unterrichtet") . Mais ceci est une autre question…
5 BKA = Bundekriminalamt ; service allemand chargé d'enquêter sur les crimes au niveau fédéral (comme le FBI aux États-Unis).
6 RAF : Rote Armee Fraktion = Fraction Armée Rouge, la "Bande à Baader"

Textes et Documents: Erich Schmidt-Eenboom/EditionAtlantiS
© Traduction : Wolf ALBES, Friedberg (Bavière)
http://www.editionatlantis.de/pubinfo.php?publikation=59


[...] Le 28 mai 1971, après plusieurs années d'enquêtes judiciaires, la catastrophe fut attribuée à la fatalité, avec un arrêt du Conseil d'État mettant en avant l'emplacement du barrage, construit sur une roche peu homogène, des failles géologiques " ni décelées, ni soupçonnées " lors des travaux de sondages et de prospections, et les très fortes précipitations enregistrées lors des semaines précédant le drame3. Cependant, les rescapés sont persuadés que tout n'a pas été dit.
http://larmeemexicaine.20minutes-blogs.fr/archive/2013/01/23/scoop-sur-arte-le-drame- du-barrage-de-malpasse-etait-du-a-un.html

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Mis en ligne le 24 janvier 2013 - Modifié le 29 janvier 2013

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