Manière dont l'Algérie s'est peuplée
Entrons maintenant dans quelques détails sur la manière dont l'Algérie s'est peuplée. L'administration nous fournit à cet égard les documents les plus complets. Chaque année elle fait dresser par ses agents de minutieuses statistiques dans lesquelles on constate le sexe, la nationalité, la profession des colons qui arrivent ou qui partent. On y voit leurs répartitions dans les trois provinces comme population urbaine, rurale ou purement agricole. Dans chacun des nouveaux centres de population européenne, les mariages, les naissances et les décès ont été soigneusement constatés. L'on peut facilement grouper et comparer tous les chiffres, selon les années, selon les pays et selon les qualités diverses de ceux qui en sont l'objet

Voici d'abord année par année quelle a été la progression de la population. C'est seulement en 1833 que l'on a commencé à distinguer dans les états statistiques les hommes, les femmes et les enfants. En 1852, ces derniers ont été oubliés, ou, ce qui revient au même, on les a confondus avec les garçons et les filles de tous les âges.

Années Hommes Femmes Enfants Totaux
1830       600
1831       3,228
1832       4,858
1833 4,596 1,545 1,671 7,812
1834 5,514 1,901 2,245 9,750
1835 6,237 2,300 2,704 11,221
1836 7,736 3,009 3,736 14,561
1837 9,104 3,418 4,248 16,770
1838 10,549 4,129 5,400 20,078
1839 11,948 4,655 6,420 23,023
1840 12,028 7,159 8,017 27,204
1841 47,319 8,200 10,201 35,720
1842 21,564 9,835 13,132 44,531
1843 25,393 14,585 18,708 59,186
1844 32,697 18,409 24,314 75,420
1845 40,103 23,212 32,804 96,119
1846 42,507 25,089 41,404 109,400
1847 44,850 30,258 30,258 103,893
1848 48,766 32,748 34,187 115,701
1849 46,736 32,317 33,554 112,607
1850 51,007 37,212 37,529 125,748
1851 53,351 38,047 39,885 131,283
1852 76,323 56,881   132,708
1853 48,467 37,457 47,268 133,191
1854 50,662 30,112 51,613 143,387
1855 55,255 43,035 57,317 155,607

Aux totaux de la population il faut joindre le chiffre des personnes réparties dans les différents établissements publics, dont on n'a distingué ni l'âge, ni le sexe ; leur nombre, au 31 décembre 1852, s'élevait en bloc à 8,304 : il ne doit pas avoir beaucoup varié depuis. En l'année 1855, la population civile de l'Algérie s'élevait donc à 163,911 âmes.

Il est à remarquer que jusqu'à 1846 les progrès ont été constants ; mais, à partir de cette dernière année il y a en quelques fluctuations, par suite de causes que nous avons déjà signalées. La population a diminué en 1847, et elle, eût diminué encore en 1848 sans la formation dune colonies agricoles décrétées par la République. La marche progressive n'a repris d'une manière bien sensible son cours naturel qu'en 1854.

La comparaison des chiffres qui précèdent montre que la population féminine tend de plus en plus à prendre des proportions normales : elle était moitié moindre que la population masculine dans les premiers temps ; elle n'est maintenant que du quart inférieure, si l'on tient compte de la population prise en bloc et des enfants. Le nombre de ces derniers a beaucoup augmenté ; il forme aujourd'hui le tiers de la population, tandis qu'à l'origine il n'y figurait que pour le cinquième.

Voici comment la population s'est répartie dans les trois provinces pendant les dix-huit dernières années.
Années Prov. d'Alger Prov. d'Oran Prov. de Constantine
1837 9,825 3,909 3,015
1838 12,008 4,699 3,371
1839 14,434 5,219 3,470
1840 15,358 4,650 6,921
1841 15,741 4,692 5,833
1842 21,485 6,152 7,401
1843 39,966 10,085 9,135
1844 53,140 11,427 10,853
1845 66,954 16,540 11,827
1846 73,075 22,586 11,507
1847 59,085 27,323 17,485
1848 60,017 34,536 21,148
1849 57,810 35,246 19,551
1850 56,784 44,507 24,457
1851 57,081 46,820 27,382
1852 64,232 41,422 27,054
1853 62,440 41,464 29,288
1854 67,309 45,016 31,062
1855 71,288 51,393 32,926

Tandis que la population de la province de Constantine suit une marche presque toujours progressive, nous voyons celle de la province d'Oran et surtout celle de la province d'Alger subir de grandes pertes. Cette dernière province qui, en 1846, avait atteint le chiffre de 73,075 âmes, a éprouvé l'année suivante une diminution de 13,990 habitants dont elle ne s'est pas encore aujourd'hui relevée. Néanmoins il est à croire qu'elle ne tardera pas à le faire ; car déjà en 1854, sans le secours d'aucune migration subventionnée par l'Etat, sa population s'était accrue de 4,869 habitants, accroissement supérieur à celui des deux autres provinces réunies.

La population urbaine de la colonie était en 1855 de 92,878, sa population rurale de 62,728. Le chiffre de cette dernière population comprenait 16,881 industriels.
La population agricole n'était donc en réalité que de 45,847 âmes ; c'était à peine le tiers de l'autre. Toutefois il est à remarquer que l'accroissement de la population se porte maintenant presque exclusivement sur les centres agricoles.
La population depuis plusieurs années tend même plutôt à diminuer qu'à augmenter dans la plupart des villes. En 1846 la population de la ville d'Alger s'est élevée jusqu'à 60,000 Européens ; elle ne compte plus aujourd'hui que 34,250.

Cette tendance des nouveaux colons à habiter de préférence les centres agricoles est un progrès notable. Il n'y a de véritablement acquis à la colonie que ceux qui sont fixés au sol.
Les ouvriers, qui pendant quelques années sont venus grossir la population des villes, n'étaient pas plus des colons que les soldats de l'armée d'occupation. A ce point de vue, on peut dire que la province d'Alger n'a jamais cessé de progresser et de devancer les autres. Aussi, malgré le vide qui s'est fait dans ses villes, l'agriculture y est-elle déjà plus développée que partout ailleurs.

Selon les diverses nationalités, la population de l'Algérie était ainsi répartie en 1855 :
Français 86,969 Espagnols 42,569
Italiens 9,082 Maltais 6,536
Allemands 6,040 Suisses 2,105
Belges et Hollandais.. 444 Anglais et Irlandais.. 434
Polonais ... 290 Portugais... 285
Grecs 94 Divers 869

Le total delà population étrangère était de 68,638, ce qui faisait une différence de 18,331 en faveur de la population française. Il n'en était pas ainsi dans l'origine. Jusqu'en 1842 la population étrangère a toujours été supérieure, et jusqu'en 1851 elle a, la plupart du temps, balancé l'autre.
En 1836, les Espagnols à eux seuls étaient presque aussi nombreux que les Français, et ces derniers en 1850 ne les dépassaient encore que du tiers. Depuis dix ans le nombre des Italiens et Maltais a peu varié, mais celui des Allemands a un instant diminué de moitié. Maintenant que la plupart de ces derniers sont fixés au sol par l'agriculture, il faut espérer que de pareilles défections n'auront plus lieu.

Depuis 1830 jusqu'à la fin de 1854, 15,202 mariages ont été inscrits sur les registres de l'Algérie : si l'on en déduit 366 mariages de Juifs indigènes, il reste un total de 14,826 mariages d'Européens, dont :

7,862 entre Français ;
1,693 entre Français et étrangères ;
7 entre Français et indigènes ;
587 entre étrangers et Françaises ;
4,777 entre étrangers.
En 1854 on a célébré 1,512 mariages ; c'est environ 1 mariage pour 100 habitants, tandis qu'en France la moyenne des mariages n'est que de 1 pour 127.

Nous avons déjà constaté que le nombre total des naissances, depuis 1830 jusqu'à la fin de 1854, avait été de 62,587. Elles ont été plus nombreuses parmi les Français que parmi les étrangers ; mais le nombre des enfants légitimes est plus considérable pour ces derniers.
Les 7 huitièmes des enfants nés en Algérie de parents étrangers sont légitimes, tandis que les Français ont eu 1 cinquième d'enfants naturels.
C'est, il est vrai, encore moins qu'à Paris, où la proportion des enfants naturels est d'un tiers des enfants légitimes ; mais la comparaison n'en est pas moins fâcheuse pour la France, surtout si l'on considère que les Français ont plus de facilité que les étrangers à se procurer les papiers nécessaires au mariage.

Autrefois, en France comme dans beaucoup de pays, lorsque les mariages sanctionnés par la religion étaient les seuls acceptés par la loi, il suffisait pour les célébrer que les parties produisissent leurs actes de baptême, actes qui dans toutes les paroisses sont délivrés gratuitement par les curés ; mais aujourd'hui la formalité d'un acte civil est exigée pour leur donner une existence légale, et les maires ne peuvent y procéder que sur la présentation des actes de naissance des futurs conjoints, avec l'autorisation ou les actes de décès de leurs père et mère.
Quand il est impossible de se les procurer, il faut y suppléer par des actes de notoriété et des jugements. Les frais, quoique légers pour l'expédition des simples actes, deviennent quelquefois assez considérables : il en résulte que beaucoup de pauvres gens vivent dans le concubinage, surtout lorsqu'ils sont loin du pays qui les a vus naître, du pays où sont restés leurs parents.
La plaie du concubinage, pour ce motif se développant beaucoup à Paris, a frappé l'attention de M. Gossin, ancien magistrat de cette ville, et la sainte inspiration d'y porter remède l'a déterminé à fonder une société qui, sous le nom de Saint-François-Régis, a pour but de faciliter par ses démarches le mariage civil et religieux des pauvres et la légitimation des enfants naturels.
Cette société, depuis trente ans, a déjà pu faire célébrer 28,000 mariages et procurer à 19,000 enfants naturels le bienfait de la légitimation. Depuis une dizaine d'années elle a aussi été établie à Alger où sa nécessité se faisait sentir plus encore qu'à Paris, puisque les chrétiens de l'Algérie arrivent des quatre coins de l'Europe. Plusieurs personnes honorables d'Alger ont prêté leur concours à cette œuvre ; mais il ne s'en est pas encore trouvé qui pussent s'en occuper avec suite. En attendant, les révérends Pères Jésuites s'en sont chargés.
Dès l'origine, le maréchal Bugeaud, qui avait compris l'importance de cette œuvre pour la colonie, lui avait donné son appui et avait su la maintenir dans une maison du domaine, dont le logement, quoiqu'à la convenance des employés de l'administration, était assurément bien plus utile encore au service des pauvres.
Après le départ du maréchal Bugeaud, l'œuvre de Saint-François-Régis n'a eu d'autre asile que la propre maison des Pères Jésuites, qui en a pris le nom.
Faisons des vœux pour que cette œuvre se consolide et se développe dans notre colonie : il serait fâcheux de voir s'y multiplier ces unions, réprouvées ailleurs, qui s'y sont accréditées sous de hauts patronages comme mariages africains.
Le mariage et les enfants légitimes sont les bases essentielles de la famille, et la famille est elle-même le premier fondement des sociétés.

Maintenant, il ne faut pas se le dissimuler, cette œuvre est plus difficile en Afrique que partout ailleurs. Sans doute les personnes qui s'en occupent trouvent auprès des diverses administrations le même empressement à les seconder que celles qui s'y consacrent à Paris et dans les autres villes. Elles jouissent de certains privilèges de franchise ; en donnant aux pauvres des certificats d'indigence, beaucoup d'actes leur sont délivrés gratis. Mais il n'en est pas ainsi en pays étranger.
Souvent même les administrateurs auxquels on s'adresse ne se donnent pas la peine de répondre. Que leur importe que les malheureux qui ont quitté leur pays se marient à l'étranger, ils ne tenaient pas même à les marier chez eux. Dans quelques pays, en effet, on ne marie que ceux qui apportent la preuve de leurs moyens d'existence ; c'est une des causes qui, en Allemagne, provoquent l'émigration d'un grand nombre de malheureux. D'un autre côté, un acte étranger n'a d'authenticité en France qu'autant qu'il est revêtu du visa de l'ambassadeur du pays accrédité près le gouvernement français. Un acte demandé sur la côte d'Espagne la plus voisine de l'Algérie a donc besoin, après avoir été légalisé par les autorités provinciales, d'être envoyé à Madrid pour être légalisé de nouveau par le ministre des affaires étrangères, et il ne peut être expédié valablement à sa destination, qu'en passant par les mains de l'ambassadeur d'Espagne à Paris. On conçoit qu'avec une telle complication il est bien peu de pauvres colons étrangers qui puissent trouver parmi leurs parents ou leurs amis des correspondants en mesure de suivre leurs affaires, et que la Société de Saint- François-Régis d'Alger qui leur en tient lieu est entraînée, pour arriver à ses fins, à bien des démarches et à bien des frais. S'il en est ainsi pour les cas ordinaires, que doit-il en être quand il faut faire au loin des actes de notoriété et prendre des jugements ?

Jusqu'à présent on s'est très-peu occupé en Algérie, du mariage des indigènes avec nos colons.
Effectivement ils ne sont encore qu'une très rare exception. Les mœurs musulmanes sont si différentes dès nôtres, qu'il est difficile, à moins que les unes ou les autres ne se modifient, qu'on puisse songer sérieusement à une union de races. Le plus grand rapprochement qui ait eu lieu jusqu'à présent à cet égard est celui d'un bon nombre d'officiers parlant l'arabe, qui, pour mieux sympathiser avec les musulmans, en ont adopté les usages et même quelquefois le costume. Quelques enfants survenus de leurs alliances ont reçu le baptême et sont devenus Français ; mais le plus grand nombre n'ont été que circoncis et ont été ensuite abandonnés à leurs mères. Toutefois, dans les classes inférieures le système contraire paraît prédominer ; les quelques femmes indigènes qui se sont unies à nos colons sont devenues françaises en devenant leurs épouses légitimes.
On en a vu quitter de hautes positions et accepter avec joie les plus humbles chaumières : leurs anciennes amies venant les visiter ne faisaient qu'envier leur sort ; car, musulmanes, avec le luxe et l'opulence, elles restaient dans l'esclavage.

Le temps n'est peut-être pas éloigné où l'éducation nouvelle donnée à beaucoup de jeunes filles indigènes, en portera un grand nombre, déjà jalouses de s'habiller à la française, à ne vouloir se marier qu'avec nos colons.
On a vu aussi des Arabes, élevés par eux, ne plus vouloir des filles de leurs tribus, et mettre toute leur ambition, après avoir reçu le baptême, à obtenir la main d'une chrétienne.
Mais alors il s'est élevé une difficulté : ces indigènes n'avaient pas d'actes de naissance, n'avaient pas les actes de décès de leurs parents. Les vieux indigènes qui les avaient connus ne voulaient pas dans leur fanatisme concourir à des actes de notoriété devant servir à des renégats : ils les désavouaient pour les fils de leurs anciens amis.
Sans des subterfuges, sans le concours des autorités, on ne serait jamais venu à bout de leur faire rendre témoignage à la vérité ; et même ensuite ils s'arrachaient les cheveux d'avoir cédé aux instances.

Tant à l'égard des indigènes que des étrangers, il serait donc nécessaire que le Gouvernement prît quelques mesures pour faciliter les mariages, et qu'il prêtât à la Société de Saint-Régis un concours plus efficace encore que le bienveillant intérêt qu'il s'est borné jusqu'à présent à lui manifester.

On compte en Algérie une moyenne de plus de 4 naissances par 100 habitants, tandis qu'en France la moyenne n'est que de 3 naissances par 100 habitants.
Nous avons dit que le nombre des décès, dans notre colonie, était à peu près égal maintenant à celui des naissances ; pour peu que la mortalité diminue et que le nombre des mariages augmente, il ne peut manquer de s'y opérer un accroissement naturel de population bien plus considérable qu'en France.
Or, les mariages ne peuvent que se multiplier dans notre colonie, à mesure que la population féminine tendra à s'équilibrer davantage avec la population masculine et que les mœurs s'amélioreront comme tout porte à le faire espérer.

Si la population coloniale augmente chaque année, il n'en est pas ainsi de la population indigène. La misère et la polygamie, dans les villes surtout, font diminuer d'une manière notable les races musulmanes.
Un journal d'Alger, à la fin de 1849, le faisait remarquer de la manière suivante :
" Le bulletin de l'état civil musulman du mois de novembre continue à attester une situation déplorable :
62 décès pour 29 naissances ; 31 divorces pour 25 mariages.
" Quand donc s'occupera-t-on de mettre un terme à la marche toujours croissante de la ruine physique et morale d'une population qui, faute d'une main secourable, s'éteint dans la misère et la honte ?
Que faire ? nous demandent les impuissants qui les administrent. Nous leur dirons en deux mots : Consacrer au soulagement des familles pauvres les revenus des mosquées, restreindre la prostitution au lieu de l'encourager, s'occuper avec quelque sollicitude d'une population qui a droit à tous nos égards.
"

Quelle que fût l'inconvenance de cette observation pour nos administrateurs, qui ne pouvaient s'immiscer dans les détails de la vie intérieure des pauvres Mauresques secourues avec les revenus des mosquées, les faits signalés n'en restaient pas moins vrais. Les choses ne se sont pas beaucoup améliorées depuis.

En 1850 il y a eu 4,192 décès pour 2,883 naissances
1,023 divorces pour 1,830 mariages
En 1851 il y a eu 5,738 décès pour 2,639 naissances
1,082 divorces pour 1,562 mariages.

Voici, d'après les documents publiés par le Ministre de la Guerre, l'état de la population indigène dans les différentes villes de l'Algérie au 31 décembre 1851 :
.
Musulmans Juifs Totaux
Alger 11.662 5,788 17,420
District d'Alger 5,855 28 5883
Cherchell 1,058 17 1,075
Tenez 772 9 781
Orléansville 10 30 40
Douera 81 2 83
Bouffarik 14 3 17
Blidah 3,677 342 4,019
Koléah 1,135 14 1,149
Médéah 1,789 658 2,447
Milianah 3,241 395 3,636
Teniet-el-Haâd   7 7
Boghar 38   38
Aumale 140 9 149
Dellys 1,053 17 1,070
Oran 2,657 1,073 2,730
Mostaganem 2,792 635 3,427
Tlemcen 2,585 2,688 5,273
Mascara 2,865 345 3,210
Saint-Denis-du-Sig 161   161
Tiaret 37 58 95
Saïda 17 8 25
Sidi-Bel-Abbès 181 78 259
Daya   6 6
Constantine 17,508 3,436 20,944
Bône 3,071 864 3,935
Philippeville 1,090 208 1,299
Bougie 325 36 361
Guelma 595 132 717
La Calle 62 19 81
Sétif 442 124 566
Djidjelli 788 3 791
Bathna 228 56 284
Biskara et environs 12,887   12,887
Totaux 84,817 21,048105,865

La population musulmane des villes se compose en grande partie de Maures. On y compte encore quelques Koulouglis descendants des Turcs ; en outre :

3,488 Nègres,
3,459 Kabyles,
2,417 Mozabites,
2,339 Biskris,
801 Mzitas,
362 Legouats,
833 Berramis,
39 Beni-Abbès,
1,146 Marocains,
845 Chouias.

Ces indigènes, comme nous l'avons déjà dit au livre de la Guerre et du Gouvernement de l'Algérie, se livrent à diverses professions, telles que celles de portefaix, de porteurs d'eau, de muletiers, de conducteurs d'ânes, de charbonniers, de baigneurs, de cafetiers, de boulangers, de bouchers et de tisserands.

A cette population sédentaire des villes il faut joindre la population flottante dans laquelle les Arabes figurent comme les autres indigènes. Cette population flottante, à la fin de 1851, s'élevait à 14,419 dans les trois provinces.

La population indigène des villes tend plutôt à diminuer qu'à augmenter. Il n'en est pas ainsi dans nos nouveaux centres agricoles ; les indigènes y affluent de toute part pour se soustraire aux exactions de leurs chefs, et ils s'y font les auxiliaires de nos colons, comme métayers, comme ouvriers ou comme domestiques. Cette population indigène des territoires civils n'a pas encore été dénombrée comme celle des territoires militaires.

Dans le livre de la Guerre et du Gouvernement de l'Algérie, nous fondant sur les documents fournis par les Bureaux arabes, il y a déjà une dizaine d'années, nous avons évalué à plus de 2,800,000 âmes la population des tribus arabes, des villages kabyles et des oasis sahariennes. La soumission de la Kabylie et d'un grand nombre de tribus du Sud ont permis aux officiers des Bureaux arabes de faire des recensements plus exacts, et au 31 décembre 1854 ils dénombraient de la manière suivante, dans leurs statistiques, la population des tribus indigènes sur les territoires administrés militairement.

Arabes 1,178,900
Kabyles 676,739
Berbers 200,408
Koulouglis 251
Total 2,056,298
Dont 625,296 hommes,
630,800 femmes,
800,202 enfants

Ils étaient répartis,

dans la province d'Alger, au nombre de 640,843 ;
- d'Oran, - 478,074 ;
- de Constantine, - 937,381.

L'effectif des hommes en état de porter les armes était de 317,186 individus ;

Soit 252,117 fantassins,
65,069 cavaliers.

Ces différents indigènes habitaient :

246,498 tentes,
102,986 gourbis,
35,254 maisons.
Ils avaient ensemencé 659,896 hectares qui avaient produit 8,519,245 hectolitres de céréales de toutes sortes.

D'après les derniers recensements, la population de l'Algérie serait donc de :

2,056,298 indigènes habitant les territoires administrés militairement ;
105,865 indigènes habitant les villes ;
163,911 européens.
Total, 2,326,074

Mais il faut tenir compte non-seulement de la population flottante des villes, mais aussi de toute la population indigène des centres agricoles européens et des tribus comprises maintenant dans les territoires civils.

D'un autre côté, au moment où le dernier recensement a été opéré, plusieurs tribus de l'extrémité du Sahara n'étaient pas encore soumises, et la soumission de la Kabylie elle-même laissait à désirer. Les chiffres fournis par les Bureaux arabes ne sont donc pas encore très-complets ; puis, il faut remarquer que le recensement opéré par leurs soins a été fait en vue des impôts à percevoir. Les indigènes ont dû, en conséquence, dissimuler leur nombre autant, que possible, et c'est chose moins, difficile qu'en France, dans des pays où il n'y a pas de registres de l'état civil. Ainsi, lorsque la ville de Constantine était administrée militairement, sa population indigène avait été évaluée à 20,000 âmes. Depuis que cette ville a été rattachée au territoire civil, un nouveau recensement opéré par l'administration municipale y a dévoilé, dit-on, 38,000 citoyens indigènes. S'il en était partout ainsi sur le territoire militaire, nous ne nous serions pas beaucoup trompé en évaluant précédemment la population actuelle de l'Algérie à 3 millions d'âmes.

Quoi qu'il en soit des recensements de l'Algérie, le dernier recensement fait en France en 1851 n'en a pas moins constaté une population de 35,783,059 âmes. Au commencement de ce siècle, les statistiques accusaient pour le territoire français un chiffre de 29 millions d'habitants.
En cinquante ans la population a augmenté de près, de sept millions, mais cette augmentation n'a commencé qu'après les guerres de l'Empire.
En 1820, la population de la France n'était encore que de 30,451, 187 âmes, et en 1846 elle avait atteint le chiffre de 3!5,401,761. En temps de paix la population de la France augmente donc, comme nous le disions au chapitre précédent, d'environ un million tous les cinq ans, et si, la guerre cessant, cette progression continuait, il y aurait à la fin dun siècle une augmentation de dix millions dans la population ;
Louis de Baudicour, 1856.
" La colonisation de l'Algérie, ses éléments ". Extrait - Éditeur : J. Lecoffre (Paris)

Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK8-504
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30066691v

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Mis en ligne le 01 juin 2013