Juan Bastos
En lettres d'or


La Société des manufactures de tabac, cigares et cigarettes J. Bastos, est sans doute l'une des plus anciennes firmes installées en Algérie. Sa fondation, par le créateur de la marque, M. Juan Bastos, né en 1817, remonte en effet a 1838, presqu'au lendemain de l'arrivée des Français en Algérie. La première usine était à Oran.
Débarqué de Malaga à Oran dans les années 1830, Juan Bastos voit très vite l'opportunité de créer une entreprise de tabac, qui verra le jour en 1838. Il adopte très vite la nationalité française. A ses débuts, petite manufacture, l'entreprise n'a cessé de croitre et son développement a suivi les étapes du développement industriel, commercial et agricole de l'Algérie. Parallèlement, d'autres entreprises de tabac, jusqu'à une quarantaine, vont se créer, presque toutes installées à Bab-el-Oued, carrefour populaire et turbulent d'Alger ou se recrute la totalité des travailleurs qui y sont employés.
La première implantation de Bastos se situe à Oran, rue Christophe-Colomb, a proximité du port qu'elle surplombe. Le 30 janvier 1912, la société en nom collectif Juan Bastos, devient la société anonyme Bastos, sous la raison sociale " Manufacture de tabac, cigares et cigarettes J . Bastos ".

Durant la guerre de 1914-18, Bastos et les autres usines d'Algérie apportent leur contribution à l'effort de guerre en approvisionnant les troupes. Il en demeure l'assimilation argotique que les poilus firent entre les cigarettes Bastos et les balles.
En 1920, la société Juan Bastos achète une manufacture locale, située a Alger : la société Abdelkader Ben Turqui plus spécialisée dans le tabac à rouler, à mâcher et à priser, et monte une usine a Alger, rue du Général Verneau, au cœur de Bab-el-Oued. Les deux usines situées à Alger et Oran produisent déjà des quantités très respectables 2 milliards de cigarettes (2 000 tonnes), 10 millions de cigares et 650 000 kilos de tabacs à rouler, à priser et à mâcher.
Cependant Bastos, jusque-là prospère, connait quelques difficultés qui incitent ses principaux actionnaires parisiens, inquiets de l'évolution de l'entreprise, a envisager une restructuration. Ils confient cette tache à un ancien militaire de grande valeur, le colonel Henri Varaigne, qui repense tous les aspects de l'affaire.

Le colonel Waraigne parlemente

Un approvisionnement choisi en tabac étant l'un des moyens les plus surs de garantir sa qualité a un prix acceptable, le colonel Varaigne assure personnellement pendant des années le rôle d'acheteur. Partant d'Alger à quatre heures du matin les jours de marches aux tabacs en Kabylie, il entre en contact direct avec les petits planteurs, parlemente des heures accroupi a même la terre, marchande des quantités parfois minimes et acquiert de solides connaissances sur la qualité de la feuille de tabac et sur la mentalité des vendeurs.
L'activité de la société se développant, notamment à Alger, la société Bastos fait construire de nouveaux bâtiments en 1927, rue Mizon, d'une superficie de 5 200 m2. C'est là que seront regroupés ultérieurement la manufacture et les bureaux. Egalement sis dans le quartier de Bab-el-Oued, les entrepôts pour les tabacs et les fournitures d'atelier d'imprimerie, l'ate1ier d'entretien des camions de transport et des fourgonnettes de livraison, occupent une surface de 10 000 m2 avenue du Général Verneau et rue du Marquis-de-Montcalm. En 1935, Bastos achète la société de cigarettes de la veuve Berthomeu et devient ainsi propriétaire de nouvelles marques, en particulier Camélia Sports, Flor Fina, Extra Fines, Falmera. Bastos s'efforce de créer une infinité de marques destinées a répondre à l'attente d'une clientèle diversifiée tant sur le marché intérieur que sur le marché étranger.

La signature du fondateur

La marque phare et porte-chance de 1a société a toujours été le fameux paquet de Bastos d'un bleu très spécifique, portant la signature du fondateur en lettres d'or, recouvrant un fond discret, et les médailles obtenues dans diverses expositions pour gages de la qualité du produit. Il s'agit d'une des présentations les plus anciennes au monde de paquets de cigarettes. Raymond Loewy, qui avait été consulté au sujet de ce paquet, avait recommandé de n'y rien changer. Parallèlement à cette activité industrielle, Bastos se lance dans l'agriculture.
A partir de 1940, les approvisionnements en feuilles exotiques de tabac devenant aléatoires, puis impossibles, il faut trouver sur place la matière première en quantité suffisante. Plusieurs ingénieurs de l'Institut agricole de Maison-Carrée, dont les compétences se révélèrent très profitables au groupe, sont alors recrutés.

De l'Afrique à l'Indochine

Deux centres agricoles sont exploités en Kabylie et érigés en sociétés anonymes, filiales de Bastos : - la Société agricole de l'Oued Ménaiel, à Bordj Ménaiel, développait sur 175 hectares des activités de métayage de tabacs en feuilles ; - le deuxième centre, la Société agricole d'Ain Athmane, près de Bouira, au pied du Djurdjura, s'étant révélé peu propice a la culture du tabac, devint une exploitation de polyculture (blé, arbres fruitiers - surtout poiriers -) et élevage bovin en stabulation libre.
Malheureusement les événements précédant l'indépendance compromettront les résultats obtenus et l'activité des deux sociétés agricoles sera alors mise en veilleuse.
C'est en 1935 que Bastos décidant de s'implanter en Indochine, à Saigon, crée la Société indochinoise des tabacs, cigares et cigarettes J. Bastos. Puis, en 1945, une équipe, partie d'Alger en camions avec quelques machines a cigarettes, traverse le Sahara pour fonder une usine a Yaoundé, capitale du Cameroun, au milieu de l'Afrique centrale. Cette affaire, devenue très prospère sous le nom de Société Bastos de l'Afrique Centrale
(S.B.A.C.), crée son propre groupe et couvre progressivement la presque totalité des besoins des fumeurs du Cameroun et s'étend aux marchés voisins : Tchad, Centrafrique et Gabon.
Bastos installe également à Dakar, dès 1942, une société Bastos de l'Afrique occidentale qui se heurte sur le marché étroit de l'époque à la concurrence d'une filiale sur place de la société Job. Puis la société se tourne vers la Cote d'Ivoire, vers la Haute-Volta et enfin vers l'île de Madagascar.
Mais revenons en Algérie. Bastos propose à une quarantaine de fabricants présents en Algérie l'établissement d'une sorte de statuquo : il faut figer les positions à un niveau permettant une cohabitation vivable pour tous, maintenant l'emploi et les structures. Pour faire admettre cette idée, Bastos qui fournissait environ les deux tiers du marché de la cigarette, accepte de se limiter à 51 %. L'accord est signé, en 1950, et donne naissance a un organisme de régulation, appelé O.T.A.F. : Office du Tabac à Fumer. Si les fumeurs de cigarettes Bastos ont des difficultés a se procurer leur paquet favori.
Le pavillon de l'Algérie à l'exposition universelle de Paris en 1889 présentait tous les produits de la colonie dont les cigarettes Bastos, sorties des usines d'Alger et d'Oran.
L'établissement de l'O.T.A.F. permet effectivement le maintien de toute l'activité industrielle du tabac en Algérie. En 1961, à la veille de l'indépendance, les dirigeants de Bastos - dont le siège était jusque-là fixé au 20, rue Mizon a Alger - décident de scinder l'entreprise en deux sociétés cotées en bourse à Paris :
- la " Manufacture algérienne de tabacs, cigares et cigarettes J. Bastos ", au siège de l'ancienne société ;
- la " Société de Financement Industriel Commercial et Agricole " (S.O.F.I.C.A.L.) à Paris.

Job et Bastos s'associent

Le 1er novembre 1963, l'ensemble des activités, tabacs et allumettes, est nationalisé par Ben Bella. A Le marché algérien est perdu. Mais Bastos ne veut pas renoncer aux marchés d'exportation.
C'est pourquoi, privés de leur base industrielle, Job et Bastos sollicitent et obtiennent l'autorisation de monter une fabrique de cigarettes en Corse, au sud de Bastia, a Furiani : la Manufacture corse de tabacs Job et Bastos.
Aujourd'hui, la propriété de la marque Bastos est morcelée : détenue par la Seita en France et aux DOM-TOM, par la CINAT pour le Benelux, par Bastostabakwaren contrôlée par REEMSTMA en RFA, par la BAT au Cameroun, par PHILIP MORRIS en Suisse.
MARTINE CLEMENT
Historia spécial : Algérie - Histoire nostalgie 1830 - 1987 ; N°486-Juin1987

Juan Bastos décède en 1887.
La succession est assurée par toute la famille dont la lignée est assez importante. Un fils Emmanuel ( Oran 1839-1920 ) prendra la suite puis les petits enfants nombreux, parmi lesquels Alfred ( 1874-1951) aura une fille née en 1903 (décédée à Paris en 1930 ), prénommée Fernande, qui était la 4e d'une fratrie de 9 enfants qui ont perpétué la lignée des Bastos.

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Mis en ligne le 26 nov 2010

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