Deux faits tout d’abord ; la date du débarquement Overlord le 6 juin à 6 heures par la 6ème Airborne Division. Soit 666 ; le chiffre de la Bête, comme on sait. D’après l’Apocalypse, c’est le moment de l’émergence de la bête aquatique. Bizarre de vouloir libérer un pays d’un ennemi que l’on considère comme démoniaque, sous de tels auspices.
La date du 15 août ensuite qui est celle de l’Assomption. Et dans l’Apocalypse c’est la femme qui écrase le serpent sous ses pieds.
Comme l’observe Pierre Miquel dans sa Préface, l’incroyable oubli de ce débarquement ne manque pas d’étonner. Sur le plan stratégique, ce débarquement est la deuxième mâchoire dont l’autre est le débarquement du 6 juin. La distance entre Omaha Beach et Berlin est la même qu’entre la Napoule et la porte de Brandebourg…

Le groupe d’armées B finira par prendre le nom de son chef le général De Lattre de Tassigny.

Les effectifs navals du débarquement sont supérieurs à ceux de Normandie. « Le 6 juin la marine alliée aligne 7 cuirassés, 18 croiseurs, 43 destroyers alors que celle du 15 aout se compose de 5 cuirassiers, 10 porte-avions, 25 croiseurs, 109 torpilleurs et escorteurs, 1900 appareils de bombardements et de chasse, un très grand nombre de chalands venant du débarquement du 6 juin. » (p 181) Les effectifs terrestres quant à eux pour le 6 juin s’élèvent à « 4 divisions britanniques et 5 divisions américaines, soit 902 000 combattants et 189 000 véhicules repartis sur 300 chalands. Il n’y a que 177 Français ». En Provence, il y a « un corps d’armée à trois divisions d ‘infanterie américaine et une division aéroportée anglo américaine; l’armée française a un potentiel de 500 000 combattants dont elle détache 260 000 dans l’armée B composée de deux divisions blindées et 5 d’infanterie plus de nombreux corps francs et commandos ».

L’organigramme de l’armée B est le suivant ; 2 eme DIM (division d’infanterie marocaine) 3éme DIA( division infanterie algérienne) 4 éme DIM (division d’infanterie marocaine), 1ere DIM (division d’infanterie motorisée) , 9 éme DIC (division infanterie coloniale), 1ere DB (division blindée), 5 éme DB ( division blindée) sans oublier les unités de réserve générales équivalent à une division et les 4 groupes de Tabors marocains.

« A partir du 15 août, elle projette par vagues amphibies successives 260 000 combattants dont 215 000 sont originaires d’Afrique du Nord , 20 000 de métropole après avoir franchi les Pyrénées et 25 000 d’A-OF, d’A-EF et de Polynésie ».

On est un tout petit peu sidéré de voir à quel point les métropolitains ont peu œuvré à la libération du pays. Ils se sont rattrapés avec la résistance qui leur a permis de contrôler le pays durant des dizaines d’années à un coût somme toute assez faible.
La guérilla urbaine que l’on appelle « Résistance » entravait les forces d’occupation mais n’aurait jamais permis une libération totale du pays. On croit trop souvent que parce que Paris a été libéré le 27 août la guerre s’est arrêtée là. Hélas non !
Le combat très serré du CEF (Corps Expéditionnaire Français ) lui aussi constitué presque exclusivement d’hommes d’Afrique du Nord aussi bien européens que musulmans, du maréchal Juin pour libérer l’Italie en particulier autour de Monte Cassino, de l’armée de Lattre dans sa remontée le long de la vallée du Rhône et les très durs combats des Vosges pour aboutir à la prise de Strasbourg par la 2ème DB sont là pour en témoigner.
Au fur et à mesure de la remontée des armées françaises, il convenait de procéder à « l’amalgame » cher au maréchal de Lattre un peu comme pendant la révolution française entre les anciens professionnels et les nouveaux venus plus exaltés et plus « politiques », gaullistes, marxistes et ainsi de suite.

Il faut rendre hommage aussi au général Weygand qui avait obtenu dans les accords d’armistice la sauvegarde de l’Empire sur le territoire duquel une armée sera reconstituée.

La question du lieu du débarquement se règle par la géographie ; le port de Sète est trop petit et ses abords non praticables, Toulon et Marseille trop dangereux, il ne reste donc que la rade d’Hyères et la baie de Calvaire sur mer.

Le général de Lattre de Tassigny arrache au général Patch des missions autres que statiques ou de soutien. Son comportement fait de confiance dans ses subordonnés frise parfois l’indiscipline mais porte ses fruits ; il galvanise ses hommes et arrache Toulon. Deux hommes donnent toute la mesure de leur génie militaire le général de Montsabert et le colonel Salan qui refera parler de lui. Il faut reconnaître à l’armée française dans le combat urbain une science établie par les Français depuis Bugeaud.
Arrivé devant Marseille, l’insurrection des partisans fortement encouragée par le pastis les amène à prendre des décisions irresponsables. Si De Lattre s’était comporté comme le maréchal Staline à Varsovie attendant tranquillement que les Allemands se fatiguent à nettoyer la région, il y aurait eu moins de monde pour raconter sa résistance ; « Les troupes de tradition de l’armée d’Afrique répugnent à frayer avec des amateurs qui se complaisent dans les règlements de comptes ». De Lattre prend tous les risques pour venir au secours de Marseille qui se rend le 27 août.

Le 17 août, Hitler donne l’ordre d’évacuer la France. C’est pour lui « le jour le plus sombre de ma vie ». Pour notre auteur, cette décision est pour beaucoup dans la délivrance de la France.

Ce débarquement en Provence est largement sorti de le mémoire collective française. Il est le fait de l’armée d’Afrique dont la mémoire a été immergée dans le port d’Alger en 1962.

Paradoxe : « avec la décolonisation, les anciens combattants des départements d’Algérie (musulmans et pieds noirs), les anciens tirailleurs marocains tunisiens et sénégalais ne risquent plus d’être présents aux commémorations. Pire, ils dérangent ». p 21

« Overlord (débarquement du 6 juin) et la Resistance parlent à l’imaginaire collectif tandis que Dragoon appartient aux images d’Epinal révolues du temps des canonnières coloniales et des soldats de plomb bien alignés. Depuis un demi-siècle, l’opinion allemande se sent moins humiliée d’avoir dû plier devant le colossal complexe militaro industriel déployé en Normandie que devant notre armée à l’échelle humaine, au caractère multiculturel, multiracial et authentiquement français ».

Le maréchal Juin aura des mots très durs par la suite devant le comportement incroyable des Français métropolitains au vu de cette épopée :

« Que les Français en grande majorité aient, par référendum, confirmé, approuvé l’abandon de l’Algérie, ce morceau de France trahi et livré à l’ennemi, qu’ils aient ainsi été complices du pillage, de la ruine et du massacre des Français d’Algérie, de leurs familles, de nos frères musulmans, de nos anciens soldats, qui avaient une confiance totale en nous et qui ont été torturés, égorgés dans des conditions abominables sans que rien n’ait été fait pour les protéger cela je ne le pardonnerai jamais à mes compatriotes. La France est en état de péché mortel. Elle connaîtra un jour le châtiment. »

Et si, ce jour c’était maintenant ?
http://www.enquete-debat.fr/archives/le-debarquement-en-provence-15-aout-1944-de-philippe-lamarque-aux-editions-du-cherche-midi-66609

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Mis en ligne le 1er septembre 2014

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