Ces dernières années, nous avons vu partir beaucoup de nos anciens combattants de 1939-1945. Ils avaient été très marqués par la campagne d'Italie et quand on parle avec les survivants, c'est ce souvenir qui reste le plus vivace. C'est cette campagne que nous vous proposons de mieux connaître, dans son déroulement mais surtout dans son contexte politico-militaire assez étonnant! 25 novembre 1943 sur l'aéroport de Naples: Alors que les derniers éléments de la 2ème Division d'Infanterie Marocaine en provenance de Bizerte et d'Oran n'ont pas encore tous débarqué à Naples, un C-47 "Dakota" de l'US Air Force y dépose le Général Juin et une partie de son état-major. Le temps est exécrable. Chez les Alliés, personne ne s'est déplacé pour accueillir le chef du Corps Expéditionnaire Français, pourtant général d'Armée à cinq étoiles... Entre ces deux scènes il y a eu la fin de la bataille d'Italie, la participation décisive du CEF, l'épopée de Juin et de ses troupes et au final la véritable résurrection de l'armée française. Cette campagne fut et demeure injustement méconnue des Français et c'est avec raison et amertume que le correspondant de guerre Pierre Ichac écrivait en 1946 : "Et les morts d'Italie me demandent pourquoi la France les a oubliés"… En prélude à la campagne d'Italie continentale, il y a eu la Sicile et la Corse. En Sicile, le 10 juillet 1943 débarquent la VII°Armée US de Patton, la VIII° Armée Britannique de Montgomery et… un bataillon de Goumiers! (le 4ème Tabor du 2°GTM) En effet, Patton qui a apprécié cette troupe en Tunisie en 42-43, a demandé à en avoir un élément pour la Sicile dont la conquête est terminée le 17 août. En Corse, du 13 septembre au 4 octobre, à l'initiative de Giraud et contre l'avis des Alliés, il y a eu le débarquement et la reprise de l'île (ce qui pourrait faire l'objet d'un article séparé) Début septembre 43, aux ordres du général Alexander, les VIII° Armée Britannique (à droite) et V°Armée US (à gauche) débarquent dans le sud de l'Italie continentale. Les combats sont tout de suite acharnés face à une armée allemande entraînée et mordante. L'avance est lente et dès l'automne les Alliés sont bloqués devant la "Ligne Gustav", la quatrième des neuf lignes de défense allemandes aménagées en profondeur tout au long de la botte italienne. Entre Naples et Rome, la Ligne Gustav traverse l'Italie d'une mer à l'autre, s'appuyant sur un relief très difficile à conquérir, et passe par Cassino et au dessus de cette localité le fameux Monte Cassino qui donnera son nom à la bataille. En effet, il est fréquent de parler de Cassino à propos du CEF. En fait, c'est une image, car aucune unité française n'a combattu à Cassino, ni au village qui porte ce nom dans la vallée, ni sur le mont Cassin, ces lieux se trouvant en secteur britannique. En réalité les troupes françaises ont combattu d'abord au nord de Cassino pendant la bataille d'hiver 43-44 puis au sud de Cassino pendant l'offensive du Garigliano, certes dans le cadre de la bataille dite de Cassino. L'action du CEF a connu schématiquement trois phases bien distinctes dans leur style et dans leur lieu d'application (voir carte A) :
L'arrivée du CEF se caractérise par un manque de confiance manifeste des Alliés en dépit de la conduite des troupes françaises en Tunisie de novembre 42 à mai 43, lesquelles avaient combattu durement et avec des moyens de misère à l'époque (c'était avant le rééquipement en matériels américains) Les autorités alliées n'ont retenu que le désastre de 1940 et considèrent au début le CEF comme une troupe d'appoint au sein de la V°Armée US du général Clark. C'est la 2ème DIM qui reçoit mi-décembre la première mission confiée aux Français en relève d'une division américaine durement étrillée: la prise du Pantano, un massif enneigé qui culmine à 1100 mètres, au nord-est de Cassino. Malgré la résistance ennemie, un terrain et des conditions météo très durs, les RTM enlèvent la position. Débarquée à Naples à partir du 23 novembre, la 2°DIM du Général Dody est la première Division française à entrer dans la campagne d'Italie avec le 4ème GTM et sera (avec la 4ème DMM) la dernière à en sortir 9 mois plus tard. Son effectif est de 14000 à presque 16000, selon les renforcements alloués, dont 41 à 47% d'européens selon les périodes. C'est une division d'infanterie semi-motorisée, avec 3 régiments d'infanterie, les 4ème RTM (Taza), 5ème RTM (Oujda) et 8ème RTM (Meknes), un Régiment blindé de chars légers, d'automitrailleuses et de scout-cars, le 3ème RSM (Meknes), un régiment d'artillerie, le 63ème RAA (Fez), un bataillon de génie (87ème BG), un bataillon de DCA (41ème GFTA) et des éléments divisionnaires de commandement, transmissions, soutien logistique et santé. Depuis septembre 43, elle s'entraînait dans la région de Lourmel, Bou-Tletis, Rio-Salado, Hammam-Bou-Hadjar. Elle est la seule division engagée en attendant l'arrivée de la suivante, la 3ème DIA fin décembre. C'est grâce à elle et à ses premiers succès dans le terrible hiver des Abruzzes que les Alliés reprendront confiance dans les troupes françaises, et c'est elle qui effacera dans leur esprit le souvenir de la défaite de 1940. Puis chaque nouvelle division française qui entrera en ligne ultérieurement apportera sa part à ce rétablissement de confiance dans nos Armes. C'est là toute la gloire des combattants de l'Armée d'Afrique en Italie que d'avoir redoré le blason de la France auprès des Alliés! La 2ème DIM conquiert successivement des massifs dont les noms restent dans l'histoire de cette unité (cf. carte 1): San Michele, Pantano, La Mainarde en décembre, puis Mona Casale, San Croce en janvier 44. Début janvier c'est l'entrée en ligne de la 3ème DIA du général de Monsabert (ainsi que du 3ème GTM) Elle prend place dans le dispositif au sud de la 2ème DIM, relevant une division américaine. La DIA a été constituée à partir de la Division de Marche de Constantine après la bataille de Tunisie. Son numéro rappelle la III ème Légion Augusta des Romains dont elle est considérée comme l'héritière. Son insigne aux trois croissants bleu-blanc-rouge comporte la Victoire de Cirta, statuette romaine trouvée dans des fouilles et reproduite également au sommet du monument aux morts de Constantine (la Cirta des Romains) cher au cœur du général Juin (après guerre, il s'y recueillait souvent. C'était, disait-il sa "Colline de Sion"). Elle est organisée comme la 2ème DIM, avec le même effectif et la même proportion d'européens. Elle comprend les 3ème RTA (Bône), 7ème RTA (Sétif), 4ème RTT (Tunisie), 3ème RSA (Batna), 67ème RAA (Constantine), 83ème BG (Alain Mimoun…), 37ème GFTA, ses éléments divisionnaires, et renforcée pour l'Italie par les 7ème RCA et 64ème RAA. Elle s'empare elle aussi de massifs escarpés et bien défendus: Monna Casale et le Belvédère en janvier. Pendant cette phase de combat dans les Abruzzes, et compte tenu du terrain, ce fut essentiellement une guerre de fantassins appuyés au plus près par les artilleurs. Les pertes sont lourdes et la proportion de cadres donne une idée des pertes totales et de la dureté des combats: c'est ainsi que les 12 et 13 janvier 1944, un bataillon du 8°RTM (2ème DIM) a perdu 9 officiers sur 12 (tués et blessés) Le 25 janvier c'est le nom de "Belvédère" qui entre dans l'histoire de la 3ème DIA. Le 4ème RTT a des pertes terrifiantes en attaquant cette position solidement tenue, dans un terrain épouvantable, face à un ennemi coriace retranché dans des positions défensives très bien aménagées et minées. Le bilan est lourd et, contrairement à une légende malveillante qui prétend "qu'on envoyait les Indigènes au massacre", il montre là encore un taux de pertes très élevé parmi les cadres: le Colonel a été tué ainsi que 13 autres officiers et certaines compagnies ont terminé le combat sans aucun officier vivant, ne restant parfois qu'un sous officier Indigène.
Frédéric Harymbat. |
Mis en ligne le 10 avril 2017
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