Cette question est fondamentale et en induit bien d'autres.

Dans un premier temps, si l'on veut essayer de comprendre, mais comprendre en connaissance de cause, il est important de se demander ce qui a pu inciter des hommes à basculer dans la clandestinité, en essayant de replacer les choses dans leur contexte.
Pourquoi des militaires prestigieux arrivés au plus haut sommet, qui auraient pu couler une retraite paisible en profitant des avantages de leur position et savourant les honneurs de leur gloire passée, se sont engagés dans cette aventure ?
Pourquoi des officiers de grande valeur, qui auraient pu attendre un avancement confortable, ont mis en jeu une carrière prometteuse et ont sacrifié leur avenir dans une entreprise clandestine ?
Pourquoi des civils établis ou promis à un brillant avenir, des pères de famille, des simples quidams laborieux, ont-ils fait le choix de changer d'existence au péril de leur vie ?

L'imagerie populaire a coutume d'évoquer un malentendu entre De Gaulle et les partisans de l'Algérie française. Il est souvent invoqué que les militaires à qui on avait demandé de mettre hors d'état de nuire le FLN, se sont fourvoyés en prenant leurs désirs pour des réalités en entendant la phrase célèbre du futur Président de la République : " Je vous ai compris ! " prononcée lors discours du 4 juin 1958 à Alger.
Ces étourdis de militaires et ces benêts de Pieds-Noirs, avaient donc pris pour argent comptant cette formule qui ne voulait rien dire puisqu'on ne savait pas réellement à qui elle était destinée.
Sauf que, s'adressant à la foule et entouré des colonels et généraux qui l'avaient porté au pouvoir lors des journées du 13 mai 1958, et lorsqu'on prend la peine de lire l'intégralité du discours prononcé sur le Forum (... il n'y a que des français à part entière…), on peut se demander à qui d'autre pouvait s'adresser cette litote qui allait devenir mythique.

Les hagiographes du général avec une belle assurance et un sourire en coin, affirment que celui-ci, grand visionnaire, était convaincu depuis des lustres que l'Algérie française, comme l'intégration était une " entourloupe " et qu'il fallait se débarrasser sans tarder du " boulet algérien ".
L'ennui avec ces biographes idolâtres, c'est qu'ils ont une facilité déconcertante pour noyer le poisson et relativisant ou en omettant des déclarations dénuées de toute ambiguïté.
Depuis 1942 jusqu'au discours du 16 septembre 1959, le " plus grand des français " n'a cessé de donner des assurances en privé et en public quant au maintien de la souveraineté française en Algérie. Cette orientation était fortement appuyée par ses proches. Il faut se souvenir des appels enflammés à l'insurrection de son Premier Ministre Michel Debré avant 1958 et ses déclarations pour le maintien jusqu'au 13 octobre 1959.

« Que les Algériens sachent bien que l' abandon de la souveraineté f rançaise en Algérie est un acte illégitime qui met ceux qui le commettent, ou s'en rendent complices, hors-la-loi et ceux qui s'y opposent, quel que soit le moyen employé, en état de légitime défense. »
Michel Debré " Le courrier de la colère ", le 2 décembre 1957

Ensuite, pour des motifs économiques, culturels et pressé par l'opinion internationale, le " connétable " décidera unilatéralement de larguer 15 départements, français depuis 1848 pour satisfaire une ambition de grandeur nationale illusoire.
Ce tour de passe-passe digne du magicien d'Oz, indignera les militaires qui avaient engagé leur honneur envers les musulmans favorables à la France et les français d'Algérie qui déjà, étaient confrontés au choix généreux de la valise ou du cercueil (1).

(1) Certains attribuent l'expression : " La valise ou le cercueil à l'OAS ". Ici encore nous navigons entre ignorance et désinformation.
" Tous les historiens un peu sérieux, et de quelque bord qu’ils soient, savent que le slogan " la valise ou le cercueil " n’est pas dû à l’OAS, que le FLN et ses complices chargent de tous les péchés du monde alors que cette organisation de résistance Algérie française, apparue en 1961, n’a eu qu’une existence très éphémère.

En appelant à la rescousse un livre de Paul Reboux intitulé Notre Afrique du Nord. Maroc. Algérie. Tunisie. Et sous-titré… " La valise ou le cercueil ! " Un livre de 1960, 1961, 1962 ? aucunement.

Un livre paru en 1946 aux éditions Chabassol et où on peut lire :

" Tandis que ronronne le moteur, je suis obsédé par une petite inscription que l’on a pu voir sur les murs de certaines villes d’Algérie : la valise… ou le cercueil ! Voilà les cordiaux conseils, voilà les aimables avertissements donnés par certains indigènes aux Européens, et lisibles sur les murs, tracés au goudron, charbonnés, peints à l’huile, ou même imprimés sur ces petits papillons de papier dont usent les propagandistes. "

Il faut donc rétablir les faits sur la propagation du cri de guerre (étymologie de slogan) " la valise ou le cercueil ", qui a été diffusé à Constantine dans un tract de 1946, émanant du courant populiste des nationalistes les plus radicaux, dont l’un des représentants, Ben Tobbal, exigeait le rejet des Européens, à l’exception des Juifs. Il faisait écho au leader Lamine Debaguine qui avait déclaré en novembre 1942 : " Il faut créer un fossé irréversible entre les Européens et nous." " Général Maurice Faivre - Historien


Voir aussi Jean Lacouture - Algérie 1962, la guerre est finie - Editions Complexe, 2002 - 209 pages.
https://books.google.fr/books?id=tAvm8h96KY4C&pg=PA168&lpg=PA168&dq=la+valise+ou+le+cercueil+oas&source=bl&ots=5VTkLIPjKv&sig=iRDFEl69uvEPgx29VeSAk3pUk9s&hl=fr&sa=X&ei=OVrGVISoJYHqUP3AgagN&ved=0CDIQ6AEwAzge#v=onepage&q=la%20valise%20ou%20le%20cercueil%20oas&f=false

Les tractations pour définir les éventualités d'un cessez le feu et à terme l'indépendance, auraient dû prendre en compte l'intégralité des parties prenantes (gouvernement, français d'Algérie, Harkis, FLN, MNA). Hors depuis les pourparlers de Melun (juin 1960), elles ne concernèrent que le gouvernement français et le GPRA, qui n'était alors reconnu, ni par le FLN, ni par la France. Cette séléctivité dans le choix des interlocuteurs donna lieu à des " accords ", simple déclaration d'intentions, dépourvus de légitimité juridique et vite rendus caduques par les déclarations des nouveaux maîtres du pays. (Congrès de Tripoli du 27 mai au 7 juin 1962 qui enterine la liquidation du GPRA et contesta les accords d'Evian comme « une plate-forme néo-colonialiste »).

Le référendum du 8 avril 1962, exclut du vote les personnes vivant en Algérie, y compris militaires et fonctionnaires, pourtant les premiers intéressés, soit 5 millions de citoyens français, électeurs légalement inscrits, non consultés.

Dans certains cas, il est admis que la désobéissance à l'ordre établi ou à la hiérarchie est une vertu. Un général avait donné l'exemple en 1940. C'est celui-ci qui organisera une répression féroce contre des patriotes et qui fera tirer sur des français désarmés au nom d'une légitimité qu'il se faisait fort d'incarner.

Certains historiens parlent du " sentiment " de trahison ressenti, comme ils vous parlent de sentiment d'insécurité lorsque vous venez d'être tabassé par des voyous.
Les euphémismes passent dans le langage courant et font prendre des vessies pour des lanternes.

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Mis en ligne le 18 mars 2015

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