Un lecteur attentif, m'a fait part de ses observations sur les historiens " engagés " et sur les simplifications excessives qu'ils utilisent parfois. Je les publie avec son aimable autorisation et je le remercie pour sa gentillesse.

Médecin militaire retraité, je termine une formation de psychanalyse et pour cela rédige un mémoire consacré à la nostalgérie. Je découvre avec intérêt votre site puisque tout ce qui concerne l'exode des pieds-noirs intéresse mon mémoire.
Je lis l'article: " La mémoire déchirée des pieds noirs " de Mme Valérie Esclangon-Morin. Intéressant, assez objectif et utilement complété par vos commentaires. Sur un point, et non des moindres, je ne partage pas l'avis de l'auteure. Les pieds-noirs seraient selon elle loin de l'objectivité de l'historien et chercheraient à réécrire l'histoire.

En effet et comme vous le faites remarquer l'objectivité de l'historien est plus qu'incertaine. À la mort d'Ageron, un de ses anciens élèves, historien anticolonialiste notoire, membre du parti communiste français, a déclaré à un journaliste: " Au début Ageron nous paraissait suspect parce qu'il n'était pas membre du parti communiste ". Quel rapport y-a-t-il avec l'objectivité de l'historien ?

J'ai fait mes propres recherches historiques, uniquement dans des ouvrages anciens, et particulièrement dans les comptes rendus administratifs considérant tout ouvrage écrit après 1954 comme sans valeur car suspect de partialité, que ce document vante les mérites de la colonisation ou la condamne sans appel.

Mes recherches m'ont montré que l'histoire officielle qui nous est proposée est une fumisterie, seul mot qui convient. Il ne s'agit donc pas de réécrire l'histoire comme le dit Mme Esclangon-Morin, mais de l'écrire. Pervillé, historien " anticolonialiste modéré ", maintenant traité de fasciste et négationniste pour avoir osé faire part de ses doutes sur la validité des affirmations d'Ageron, prend désormais la précaution quand il cite quelqu'un de préciser " sous réserve que cet auteur ait fait travail d'historien ".

Prenons un exemple très simple et surtout très incontestable. Dans " Histoire de l'Algérie coloniale (1830-1954) " Benjamin Stora écrit : " Parallèlement la colonisation entraîne le déplacement de millions de paysans vers les hauts plateaux. "
Ageron l'a aussi décrit, sans citer de chiffre mais ajoutant qu'ainsi cette population fut condamnée à la misère et à la famine. En 1919, la colonisation agraire de l'Algérie est terminée, c'est Stora qui l'écrit, et je suis d'accord avec lui. En 1919, la population de l'Algérie c'est 4 millions d'habitants qui vivent très massivement dans les campagnes. Le déplacement de million- " S "- en bonnes mathématiques, ça fait au minimum 2 millions. Donc, d'après Stora, au moins la moitié de la population rurale d'Algérie a été déplacée vers les hauts plateaux.

1) J'ai vécu dans les hauts plateaux algériens et ces " million" de paysans affamés, on les aurait vus.
2) Mais ce n'est pas un argument tangible. Par contre, un tel déplacement de population (plus de la moitié) ne peut pas avoir échappé aux recensements périodiques faits en Algérie. J'ai donc cherché et trouvé les résultats des recensements. Que disent-ils ?
Que partout la population indigène augmente régulièrement (avec un léger infléchissement correspondant à la grande sécheresse de 1871-1872) et qu'elle augmente plus fortement dans les centres ruraux de colonisation qu'ailleurs. C'est dans les cercles militaires, c'est à dire là où la colonisation n'a pas été que les densités de population indigène augmentent le plus faiblement.

Conclusion: loin d'avoir été un repoussoir comme l'affirment Ageron et Stora, les centres de colonisation ont été un pôle d'attraction pour la population indigène.

Et tout est comme ça. Un dernier contre exemple. Les lois Warnier (Warnier ayant le tort d'être pied-noir) ont été faites pour déposséder le fellah et là encore la condamnation de Stora est sans appel de ces colons qui en ont profité pour " les acheter ou s'emparer " [les terres] (page 23 du même livre) . Hors je suis tombé sur un document écrit par l'administration coloniale à la demande d'un gouverneur général d'Algérie qui demandait justement que le point soit fait sur l'effet des Lois Warnier.
1,700.000 hectares ont changé de main. 450.000 hectares ont été achetés par des colons, le reste par des propriétaires arabes. Si spoliation il y eut, qui a spolié qui?

Et je pourrais continuer pendant des pages et des pages. Ceci dit, ma conclusion personnelle après mes recherches historiques, c'est que la colonisation française en Algérie est l'histoire d'un échec, mais pas celui auquel fait allusion Mme Esclangon-Morin : l'Algérie c'était un trop gros morceau pour la France.
Cordialement Denis Kremer

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Mis en ligne le 4 mai 2016

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