Le rachat des esclaves

C'est en 1583 que l'on situe les premiers rachats répertoriés. En 1585 une mission, sorte de nonciature apostolique, s'installe à Alger, sans parler des religieux esclaves volontaires qui accompagnaient les victimes en partageant leur sort.

St Vincent de Paul maintenant vivace leur foi par la pratique de leur religion.
Après avoir été gardien du troupeau familial près de Dax dans les Landes, Vincent-de-Paul fut ordonné prêtre en 1600, après 7 ans d'études. Partant de Marseille en 1605 où il avait touché un modeste héritage et se dirigeant vers Narbonne par voie maritime, il fut capturé par des barbaresques et vendu comme esclave à Tunis.
Après deux ans de captivité, il réussit à s'évader et retourner en France. Il fut alors aumônier des galériens, des enfants trouvés et des paysans ignorants. Créateur d'institutions hospitalières, il fut canonisé en 1737.

Les riches pouvaient payer eux-mêmes leur rançon mais pour les pauvres ce fut l'Eglise, la Papauté qui la première s'en préoccupa en mettant en place des institutions spécialisées dans les négociations de rachat des esclaves car le but des pirates était, non seulement de procurer à leurs compatriotes la main d'œuvre qualifiée dont il manquaient (armuriers, artisans, jardiniers etc…) et de la " chair fraîche " à bon compte pour les harems mais aussi d'extorquer le plus d'argent possible aux Européens qu'ils savaient soucieux de ne pas abandonner leurs coreligionnaires dans la souffrance.

Tabarca. depuis 1540 comptoir génois sur un rocher minuscule ou s'entassèrent jusqu'à 2000 habitants, à proximité du rivage à quelques lieues à l'est de La Calle, fut un centre actif de rachat dès le début du XVIIème siècle. On retrouve le cas d'une centaine de familles d'esclaves originaires de Tabarca encore, capturés par les pirates d'Alger en 1756 au cours d'un conflit entre les deux régences, déportés à Alger puis rachetés par le Roi d'Espagne qui seront installés, eux d'origine génoise, sur une petite île à 11 milles au sud d'Alicante nommée de ce fait Nueva Tabarca où ils feront souche et deviendront Espagnols.
C'est ainsi que ces gens, certainement nés à Tabarca (comptoir génois du corail) mais issus de familles originaires de Pegli, près de Gênes et parlant un dialecte Ligure, se sont retrouvés, vers 1776, sujets du Roi d'Espagne dans une petite île au large du cap de Santa Pola à 11 milles au sud d'Alicante où ils ont fait souche et se sont hispanisés. Les archives ecclésiastiques sont toujours détenues par les représentants de l'Eglise catholique à Tunis et il toujours possible d'avoir des informations sur des ancêtres esclaves, notamment les noms et adresses des familles musulmanes les ayant détenus et utilisés, ainsi ce document fourni par l'Eglise catholique de Tunis

En 1596, se fonde en Sicile " l'Arciconfraternità della ridenzione dei Cattivi " qui eut son siège en L'église Santa Maria Nuova à Palerme.
A Gênes en 1597, on voit se constituer le " Magistrato del Riscatto degli Schiavi "qui prenait la succession d'un ancien organisme remontant à 1403, le " Magistratodi".

" Au XVIIème siècle les corsaires algériens deviennent de plus en plus redoutables. La Méditerranée n'est plus assez vaste pour eux ; ils cherchent un autre théâtre pour leurs déprédations, et s'avancent jusqu'aux îles Canaries, où ils portent la désolation et la mort.
Dans l'espace d'une seule année, en 1582, deux mille esclaves chrétiens sont vendus à Alger, et on en comptait alors plus de trente mille dans les différentes parties de la régence.
Michel Cervantès, qui y était prisonnier à cette époque, nous a laissé des détails curieux sur la manière dont les Algériens traitaient leurs esclaves ; nous allons les rapporter en faisant le récit de la captivité du célèbre romancier espagnol " J-F Lamarque - Cervantès esclave d'Alger

Miguel de Cervantes auteur de don Quichotte, capturé au large de Rosas lors de son retour de Naples avait été déporté comme esclave au bagne d'Alger avec son frère Rodrigo le 26 septembre 1575.
Après quatre tentatives d'évasion, il fut libéré contre rançon en septembre 1580 après 5 ans de captivité.
Avantagé par la fortune de sa famille apte à payer rançon, il eut le privilège de survivre tandis que de moins chanceux restèrent en captivité jusqu'à 10 ou 30 ans dans d'atroces conditions.

Au XVIIIème siècle à Cagliari, c'est le " bureau de rachat des esclaves sardes " qui participa deux fois, sous l'autorité du Roi de Piémont-Sardaigne et avec la contribution financière de bon nombre de souverains européens y compris le Pape à la libération des esclaves qu'il allait accueillir pour mettre en valeur son île de Sardaigne dont il venait d'hériter, jugée insuffisamment peuplée.

Il y eut même des ordres religieux dévolus expressément au rachat des esclaves chrétiens: Les Tinitaires des saints Jean de Matha et Félix de Valois et les Mercédaires des saints Pierre Nolasque et Raymond de Penafort.
Saint Jean de Matha (1160-1213) provençal d'origine espagnole, fondateur de l'Ordre de la Sainte-Trinité et de la Rédemption des captifs, racheta des dizaines de milliers d'esclaves des barbaresques d'Afrique du Nord, parmi lesquels se trouvait le célèbre écrivain Cervantès.
Un tiers des revenus des écoles et des hôpitaux qu'il avait créés étaient consacrés aux rançons.
Trinitaires et Mercédaires s'offraient en échange des esclaves chrétiens quand l'argent ne suffisait pas à leur rachat ; il n'y a que dans le catholicisme que l'on voit cela…
Une fois dans la place, ils soutenaient la foi des chrétiens prisonniers souvent persécutés pour les contraindre à une conversion forcée. Du XIIIe au XVIIIe siècle, les seuls Mercédaires auraient libéré pas moins de 60.000 captifs.

Saint-Pierre de Nolasque (1189-1256) natif de Ricaud et prêtre au Mas Saintes Puelles dans l'Aude fut le précepteur du fils de Jacques 1er roi d'Aragon.
C'est avec le soutien de ce dernier qu'il fonda l'ordre de Notre-Dame de la Merci pour le rachat des chrétiens captifs des barbaresques.

Dans l'église de Gairaut, on peut apercevoir une statue dédiée à Notre Dame de la Merci. Ce vocable rappelle l'ordre institué par S.Pierre Nolasque (+ 1256) à Barcelone pour le rachat des captifs, c'est à dire des chrétiens détenus par les Barbaresques. Les espagnols durent se battre pendant 400 ans pour chasser les Maures de leur pays (1085-1492). Les chrétiens faits captifs étaient particulièrement à plaindre. Ils étaient vendus comme esclaves aux musulmans d'Afrique. Force était alors de payer rançon pour obtenir leur délivrance.
Pierre Noslasque, inspirée par la Vierge Marie, fonda l'ordre de la Merci ou de la Rédemption ou Rachat des captifs. Aux trois vœux habituels : obéissance, pauvreté, chasteté, les mercédaires en ajoutaient un quatrième : celui de se constituer en otage, quand c'était pour eux le seul moyen d'accomplir leur mission. Grâce à l'héroïsme et la générosité des chrétiens, cette mission se poursuivit jusqu'à la disparition de la piraterie.

Pourquoi le culte de Notre Dame de la Merci à Gairaut ?
Est-ce une dévotion importée par un ancien captif délivré ou par une famille dont un des membres fut mercédaire ? Est-ce en rapport avec la victoire sur les musulmans en 1543, siège de Nice ? Nul ne peut l'affirmer. En tous cas, la fête de N.D de la Merci fut primitivement instituée pour remercier la Vierge d'avoir rendu la liberté aux prisonniers qui lui criaient " Merci ". Mais chaque année, le 24 septembre (ou le dimanche le plus proche), depuis que le Pape Innocent II institua cette fête pour l'Eglise entière (1696), les Gairautins aiment venir honorer Marie pour la fête de leur quartier.
Au reste, la sollicitude des Pères de la Merci ne se bornait pas à faire des quêtes dans les divers états de la chrétienté pour subvenir au rachat des malheureux esclaves, ils visitaient, ils consolaient dans leur captivité ceux qu'ils n'avaient pu affranchir; ils entendaient leur confession et les maintenaient dans leur foi ; lorsqu'ils étaient malades, ils les soignaient dans un petit hôpital qu'ils avaient élevé à leurs frais, et les empêchaient de tomber dans les vices honteux où la passion brutale de leurs maîtres ne les entraînait que trop souvent. Telle était la malheureuse condition des chrétiens que le sort de la guerre faisait tomber entre les mains des redoutables corsaires algériens.

Au retour des libérés on organise de grandes cérémonies avec actions de grâces et parade du convoi dans les rues sous les acclamations de la foule. Ils portaient, parfois au bout d'un bâton sur l'épaule, un symbole de leur asservissement passé tel que des chaînes symboliques ou un petit pain noir, seule nourriture que leurs geôliers leur consentaient Premier pas vers une relative tranquillité, en 1816 le traité de Tunis mit un terme aux expéditions de pillage commanditées par son Bey à l'encontre du royaume de Piémont-Sardaigne, comme celle de 1798 à San Pietro.

Toutefois, Alger et Tripoli n'étant pas parties à cet accord, ce n'est qu'en 1830 avec le débarquement des Français à Sidi Ferruch que la pacification de la méditerranée occidentale sera définitivement acquise, paix qu'elle n'avait pas connu depuis près de 14 siècles.

" Ce qui nous amène à dire quelques mots du dernier des esclaves célèbres, le général Youssouf, né en l'île d'Elbe, capturé en mer à 11 ans, esclave puis Mamelouk à Tunis où l'élimination en duel secret d'un congénère jaloux de son idylle avec une fille de leur maître, suivie de la découverte du corps qu'il avait scellé dans un mur, le contraignit à prendre la fuite. Il se présenta alors aux Français arrivés de fraîche date et se mit à leur service comme interprète. Se faisant apprécier de ses supérieurs il deviendra officier, sera l'artisan de la prise de Bône, participera à fonder les corps des Tirailleurs et des Spahis et finira sa vie à Nice avec le grade de général de division après avoir servi dans de nombreuses campagnes hors d'Algérie."

Sources : Jean-Bernard LEMAIRE St Germain-en-Laye le 25 novembre 2002 - Les cahiers de la Méditerranée
Sources bibliographiques :
- Fernand BRAUDEL " la méditerranée au temps de Philippe II " 2 t., (Armand colin, 1985)
- Giuseppe VALLEBONA " Storia di una colonizzazione "
- Capitaine de Frégate Cavelier de Cuverville " Pêche du corail sur les cotes de l'Algérie "( Nancy, Berger-Levraud 1880)
- Gérard CRESPO " les Italiens en Algérie 1830-1962 "
http://mdame.unblog.fr/2009/05/17/le-rachat-des-esclaves-1/


Une affiche de 1785 de l'imprimerie de la veuve Sibié imprimeur du Roi dans la ville de Marseille commandée par les ordres de la Trinité et la Merci nous détaille le rôle de 314 esclaves français rachetés à Alger. Ce document est une véritable source de renseignements. On y trouve un tableau donnant le nom, l'âge des esclaves au moment de leur capture, la durée de captivité et leur origine par paroisse et diocèse. Un rapide calcul statistique nous fait savoir que la moyenne des années d'esclavage dans ce groupe est de 9 ans. Sur le total, 25 d'entre eux proviennent de Guyenne, 32 du Languedoc et 11 du Roussillon.

Thomas Nivet de Montferrier (Perpignan), 68 ans, est libéré après 35 années d'esclavage. Jean Fillon, 59 ans, de Béziers, 30 ans de détention. Pierre Tourron, 46 ans, de Saint-Vincent (Carcassonne) n'a souffert que 17 ans. Prosper Cathala, 32 ans, de Brousse (Narbonne) n'a perdu que 7ans de sa vie. Nicolas la Faye, 22 ans, de Saintes n'a été détenu que 2 mois. De même, Baudire Michel, 35 ans, d'Argelès (Perpignan) n'a connu que 2 mois d'esclavage.

Pendant longtemps, l'Europe a tenté des expéditions pour faire cesser les raids des corsaires. Dès 1505, Diégo Fernandez de Cordoba occupe Mers-el-Kébir puis Oran en 1507. L' Espagne s'installe également sur l'îlot en face d'Alger puis à Bougie et Tripoli.

Baba Aroudj devenu Sultan d'Alger est tué en 1518 près de Tlemcen. Son frère Kheir-Eddin qui lui succède demande le protectorat de l'empire Ottoman pour résister à l'Espagne, et lutter contre le peuple berbère.
En 1541, une tentative de Charles Quint contre Alger tourne au désastre.
En 1682 et 1683, Louis XIV fait bombarder Alger par Duquesne, mais en vain, pour faire cesser les raids barbaresques.
En représailles, le père Le Vacher et 20 autres Français sont exécutés tour à tour attachés à la bouche d'un canon.

En 1765, Suffren bombarde Salé au Maroc et trace les plans des côtes du Maghreb.
Comme 130 Américains ont été capturés entre 1785 et 1793, la jeune république entre en guerre contre Tripoli qui signe un traité de paix après 3 bombardements. En 1815, elle continue son combat contre le Dey d'Alger.

Entre autres, c'est à l'initiative de l'abbé Grégoire que fut votée pour la première fois l'abolition de l'esclavage, le 16 pluviose de l'an II (1794).

Condorcet, Montesquieu, Thomas Reynal, Viefville des Essarts et bien d'autres intellectuels du XVIIIème siècle n'ont jamais cessé de condamner toutes les formes d'esclavagisme.

En 1816, l'expédition maritime anglo-hollandaise de Lord Exmouth arrive à faire cesser momentanément les raids.

En 1818, au congrès d'Aix la Chapelle, les grandes puissances européennes évoquent la nécessité de mettre fin une fois pour toutes au fléau et Chateaubriand appelle la France à prendre la tête de ce combat.

Lors de la prise d'Alger, il restait encore 130 esclaves européens détenus par le Dey qui furent immédiatement libérés. Ensuite, par esprit de tolérance religieuse à l'égard des indigènes, la France leur accorda un statut spécial. Si l'esclavage des noirs fut interdit dans les villes, chez les nomades et dans les campagnes il continua longtemps d'exister.
En raison de ce statut, la possession et l'exploitation des esclaves noirs dans les campagnes et chez les nomades continua d'exister. On connait l'épisode de la trêve avec l'émir Abdelkader qui avait fait décapiter une centaine d'esclaves noirs pour s'être précédemment réfugiés auprès des Français. (La responsabilité d'Abd El Kader, dans ce massacres, est contestée par certains historiens. Ndlr)

Il fallut attendre la publication de la loi du député Victor Schoelcher en 1848 sous la seconde république et la forte autorité de l'administration française pour faire cesser définitivement ces pratiques scandaleuses.
En 1846, Ahmed Bey I fit une première tentative de réduction de l'esclavage, mais ce n'est qu'après le décret français de 1890 que ce fléau disparut définitivement en Tunisie

Claude Jacquemay
http://www.pointsdereperes.com/articles/barbaresques-esclavage-blancs

http://cdlm.revues.org/37

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Mis en ligne le 02 juillet 2015

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